Etape marathon: le bonheur est au bout de la route

Avant la course, elle avait beaucoup fait parler d’elle cette étape marathon de 870km à parcourir entre le Dimanche 20h et le Lundi 17h: A chaque concurrent de gérer son temps de roulage et son temps de repos. L’équation n’est pas simple car tous les kilomètres ne sont pas égaux: 870 km d’autoroute n’ont rien a voir avec 870km de routes tortueuses, la spécialité de David Bournisien, le traceur des roadbooks du Moto Tour.

A part quelques audacieux, la stratégie adoptée était de partir au plus tot, de nuit et de parcourir le plus de kilomètres possible avant d’éventuellement se reposer selon le bon principe du « ce qui est pris n’est plus à prendre ».

C’est donc a 20h48, seulement quelques heures après l’arrivée de la première étape Toulon-Toulon que je prends le départ de cette gigantesque randonnée. Il fait nuit noire et, bien que l’éclairage de la NC700X soit tout à fait correct, une fois passée  les lumières de la ville de Toulon, l’absence de phares additionnels se fait cruellement sentir. Un trou noir apparait devant la moto des qu’ elle est sur l’angle… Et ça arrive souvent!

Heureusement je rejoins un groupe de motos qui semblent projeter un véritable mur de lumière devant elles, illuminant tout le paysage!! Je réalise que ce sont 2 BMW officielles de l’écurie Tecmas, la SX1000R de Laurent Cochet et le scooter 650 de Camille Hedelin, un pilote du championnat du Monde d’endurance venu essayer la course sur route. Inutile de dire que si ça éclaire bien, ça roule surtout très vite dans ces cols du haut pays varois!

Nous rejoignons 2 motos plus lentes que les 2 BMW dépassent rapidement. Avec ma moto peu puissante je suis incapable de les dépasser en ligne droite et je ne me vois pas leur faire l’extérieur dans la nuit noire! Ces 2 gars la ont l’air réguliers et je tiens facilement leur rythme aussi je préfère rester en leur compagnie car la nuit sera longue et il vaut mieux se ménager. Je roule intercalé entre un gros trail qui ouvre la route et un rioadster qui suit un peu en retrait

Nous sommes maintenant dans les Alpilles, et nous traversons les Baux de Provence dont on devine le paysage caractéristique dans la nuit… Drôle de façon de faire du tourisme! A chaque changement de cap du roadbook j’échange mon interprétation avec celles de mes camarades de route pour éviter toute erreur, ce n’est pas le moment de se perdre.

Après la traversée du Rhône, les routes deviennent plus rectilignes et roulantes, je prend la tête pour accélérer le rythme car il faut absolument profiter de toutes les opportunités si on veut tenir le temps imposé. Attention on ne roule pas a 200 dans le noir, ma moto n’en est pas capable de toute façon, mais disons que nous dépassons légèrement la limite légale!

Il est minuit passé et après 4h de route, nous avons parcouru à peine 200 km, et pourtant on n’a pas chômé. C’est déjà un quart du parcours si on est optimiste mais la perspective des 670km restants est assez déprimante car la douleur dans les bras se fait déjà sentir. ça va être très long.

A l’occasion d’un changement de cap, nous nous engageons dans une mauvaise direction heureusement vite détectée. Donc demi-tour immédiat, ce qui est toujours un peu délicat vu l’étroitesse des routes empruntées. De plus celle ci est bordée de deux fossés. Je suis alors victime d’une particularité de la boite automatique de ma moto: Une simple rotation de la poignée de gaz suffit a démarrer la moto, sans aucune action sur un frein ou un embrayage, ce qui peut surprendre en manoeuvre.

Lors d’un demi-tour a gauche, le bras droit est en extension sur le guidon (surtout le mien puisque je ne peut pas le tendre complètement). Dans cette position, ma main glisse sur la poignée de gaz, ca qui propulse la moto directement dans le fossé sous l’oeil médusé de mes compagnons de route. Et voilà ma moto tankée en pleine nuit dans un fossé d’herbes grasses et glissantes de presque 1m de profondeur! C’est en essayant de la sortir de ce trou que je fais plus ample connaissance avec Michel et Alain, mes 2 compagnons d’infortune qui ne ménagent pas leur peine pour m’aider. Et quelle fière chandelle je leur dois, car on a tiré et poussé longtemps avant de sortir la moto de ce fossé. C’est que la bête fait ses 218 kilos et sans eux, à cette heure , j’y serais encore. J’identifie à cette occasion leurs motos repectives: Michel etrenne une Honda 1000 Africa Twin dont je trouve l’éclairage très puissant et Alain roule en Yamaha MT-09.

Nous entrons maintenant dans l »enfer des Cevennes: les routes sont de plus en plus tortueuses et étroites. Le revêtement dégradé tape dans les bras.  La navigation est compliquée, ça tourne sans arrêt… C’est pittoresque mais on avance vraiment pas vite. Et en plus, il y a du brouillard et la température tombe autour de 2°C. On est dans le dur!

Vers la fin de la nuit, autour de 6h, on arrive dans l’Aveyron et on trouve enfin une station d’essence, autre angoisse su ces routes désertes, car la MT-09 d’Alain a un petit réservoir et elle a soif! Malgré tout le plaisir que j’ai à rouler avec Alain et Michel, et le faux pas dont ils m’ont tiré, je sens que nous roulons trop lentement pour finir dans les temps. Aussi je décide à contrecoeur de continuer seul, c’est la course!

Quand le soleil se lève enfin, je guette un bar ou une boulangerie pour boire ou manger quelque chose de chaud. Mais je suis frappé, comme tous les autres concurrents, par la desertification de ces petits villages: pas un commerce ouvert, partout des enseignes à l’abandon. Je désespère de trouver ce café salvateur quand je suis frappé par un coup de barre physique terrible: j’ai froid, pourtant j’ai mis toutes les fringues que j’avais emporté, je n’ai plus de force dans les bras et une grosse douleur au niveau des omoplates… L’arrivée de l’étape n’a jamais parue aussi loin…

Je m’arrête dans un village à côté d’une camionnette stationnée. Je salue les  deux personnes qui sont autour. Ils sont l’assistance d’autres concurrents qui dorment dans la camionnette. Spontanément ils me demandent si je veux dormir… Je n’en sais rien mais je dis oui! Il doit être 9h. Ils étendent un matelas au soleil sur le trottoir, je m’allonge dessus, ils me couvrent avec des couvertures. Qu’est ce que ça fait du bien de se relacher et de sentir un peu de chaleur. Mais je tremble comme un feuille morte, il faudra un moment avant que je puisse me détendre et m’endormir. Ils me réveillent vers 10h ou 10h30, je ne sais pas trop mais je me sens beaucoup mieux. Tellement mieux que je reprends la route avant qu’ils aient fini de préparer du café!

Je ne connais pas mes bienfaiteurs mais encore une fois ils m’ont sauvé la mise. ce court sommeil m’a complétement requinqué! Et c’est quand même plus facile de naviguer de jour. Le rythme remonte et les 600 km sont dépassés avant midi. On peut le faire et on va le faire!

Voila que j’ai été imprudent sur le ravitaillement en essence, je suis sur la réserve en pleine pampa, sans la moindre pompe a essence à l’horizon. Et une fois encore je tombe sur une autre camionnette d’assistance, celle d’un side-car Voxan! J’explique ma situation et généreusement ils me versent quelques litres du précieux liquide en m’expliquant ou se trouve une station à proximité. Je n’ai pas d’autre choix que d’y aller et de sortir du parcours… Encore des kilomètres en plus.

Nous voilà enfin en Corrèze et en Dordogne, on est plus très loin du but mais le road-book diabolique nous fait tourner un peu en rond dans la campagne. Nous sommes nombreux a « jardiner » comme on dit dans le jargon lorsqu’on a perdu la trace de l’itinéraire et que l’on sillonne le terrain pour retrouver un repère connu. Avec la fatigue accumulée, cette recherche est très dure pour les nerfs! En prime les routes sont devenues boueuses et gravillonnées… Je dois m’arrêter de plus en plus souvent pour ne pas me tromper. C’est l’épuisement, tout simplement!

Bien sur c’est dans ce labyrinthe que sont placés plusieurs controle de passage. Heureusement je n’en loupe aucun (sinon c’est 3 minutes de pénalité à chaque fois).. Et enfin vers 17h, après plus de 940 km de route,  je touche au but et ça parait presque irréel. Dans les derniers kilomètres je ressens la pression de finir au plus vite alors que j’ai pourtant près d’une heure d’avance sur l’horaire imparti. Et ainsi à l’approche de l’agglomération de Boulazac je dépasse inutilement pas mal de voitures un peu « à l’arrache »…

ça y est, je passe le controle horaire d’arrivée et c’est comme une libération. . Je l’ai faite cette étape, la dernière partie en solitaire, dans les temps et en passant par toutes les cases de l’interminable road-book. On peut trouver ce challenge inutile ou idiot mais pourtant je ressens une satisfaction intense de l’avoir fait, et c’est le cas de tous les autres concurrents qui pointent à l’arrivée.

Le bonheur est vraiment au bout de la route!

Mais décidement je suis tricard sur ce Moto Tour,. Le  soir en consultant le classement, je vois que je suis pénalisé d’une minute. Après protestation à la direction de course, il s’avère que je suis pénalisé pour franchissement de ligne blanche… Je suis vert car j’en ai vu des concurrents franchir des lignes blanches et pourtant je suis le seul pénalisé!

C’est sans doute mes inutiles dépassements « à l’arrache » à proximité de l’arrivée qui ont été observé par la « Patrouille de Surveillance Routière » qui assure la sécurité du rallye. Les fameux PSR  sont des policiers motards qui nous surveillent sans nous  verbaliser mais en nous infligeant  des pénalités sportives..

J’ai sans doute servi de « bouc émissaire ». Décidement je ne maîtrise pas encore toutes les subtilités du rallye routier

A l’arrivée, je réalise aussi que je n’ai pratiquement rien mangé pendant ces 20 heures de route. Mais je me suis bien rattrapé le soir à la popote du Moto-Tour

4 thoughts on “Etape marathon: le bonheur est au bout de la route

    • Tout le monde n’est pas a fond tout le temps en liaison. En début d’étape les ils devaient être en mode cool en prevision de la longuer de l’étape… Ce qui correspondait a super rapide pour moi!!

  1. L’étape marathon a l’air encore plus raide qu’avant. Partir la veille au soir … Déjà, la dernière fois, le roadbook récupéré à 4h du mat, à couper et coller juste avant de prendre la route, c’était folklo …
    C’est bien triste de voir que tu as du abandonner, reste à ce que nous expliques pourquoi ???
    En tout cas, il semble que vous ayez eu du bol avec la météo, sauf si vous avez pris les orages de fin de semaine sur le casque ?
    En tout cas, c’est très fort ce que tu as fait !

    @+
    Cyril

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