L’édito du Moto Magazine n° 311 d’octobre 2014


jptheodore

La mort en direct

À l’heure où nous écrivons ces lignes, elle a été vue plus de 12 millions de fois sur le Net et a fait l’objet d’une émission sur France 3, le 12 septembre. Il s’agit de la vidéo utilisée par la Sécurité routière anglaise, où l’on voit un motard perdre la vie en direct. Caméra embarquée sur son casque, il se déplace à près de 160 km/h quand une voiture lui coupe la route en effectuant un « tourne à gauche ».
Les commentaires sont allés bon train sur les responsabilités de chacun – « vitesse excessive du motard » pour les uns, « faute inadmissible de l’automobiliste » pour les autres – comme sur le bien-fondé de montrer de telles images – « une leçon qui doit marquer les esprits », ou à l’inverse « des images trash indécentes » –. Autant de sentences en forme de conclusions, alors qu’il faudrait en appeler à l’analyse !
Des images dramatiques sont aussi utilisées en France pour faire prendre conscience que l’accident guette tout un chacun et que certains comportements conduisent à l’irréparable. Soit. Mais la répétition de ce type de messages finit par les banaliser. Combien redoublent de prudence quelques kilomètres après avoir vu un terrible accident, en vrai, puis reprennent leurs habitudes, bonnes et mauvaises ?
Concernant les responsabilités, le débat est sans fin. Motard trop rapide ou automobiliste trop empressé ? Cette vidéo a le mérite d’introduire une vraie question : pourquoi le conducteur a-t-il vu la moto trop tard ? C’est l’une des problématiques posée dans notre enquête du mois (lire p. 56) sur le manque de saillance visuelle de nos engins – de jour comme de nuit –, leur détectabilité par les autres usagers et les défauts de vigilance à notre égard.
Depuis de nombreuses années, la Fédération française des motards en colère propose que les candidats au permis de conduire soient sensibilisés à tous les modes de déplacement, autos, motos, camions et vélos, lors de leur apprentissage, pour que chacun comprenne bien les spécificités – et la vulnérabilité – de ceux avec qui ils partagent la route.
Il ne s’agit plus de montrer du doigt. Il est temps de passer à l’acte !

Jean-Pierre Théodore, rédacteur en chef