L’édito du Moto Magazine 313 de décembre 2014 – janvier 2015


jptheodore

De la liberté au flicage !

Nous sommes nombreux avoir commencé la moto dans les années 80. Elle était alors un moyen de mobilité mais aussi un vecteur d’émancipation. D’aucuns en ont fait un mode de vie et elle incarnait, même pour les non-motards, une certaine idée de la liberté.
Dans les années 2000, le deux-roues motorisé a plutôt revêtu un statut d’objet de consommation, que ce soit pour ses aspects pratiques ou pour sa dimension loisirs. Une mutation qui a fait proliférer différentes familles (customs, roadsters sportifs, néorétros, gros trails routiers) et généré une pratique moins « routarde » mais tout aussi passionnée.
Paradoxe, la moto de demain, assistée et connectée, deviendra-t-elle une source d’aliénation et un outil pour nous fliquer ? Les assistances sont parfois jugées déresponsabilisantes. Il ne faut pourtant pas rejeter le progrès en bloc : un voyant de pression des pneus peut sauver la mise et les modes moteur programmant la puissance selon son humeur ou son état de fatigue ne sont pas moins utiles. Plus inquiétante, en revanche, est la mise en œuvre de systèmes qui permettent le relevé, la compilation et l’analyse de données personnelles. GPS, capteurs embarqués mais aussi radars et autres dispositifs dits intelligents en bord de route – installés soi-disant pour notre sécurité – peuvent servir à nous surveiller (lire notre enquête p. 84). Et nous punir.
Le progrès technique n’est pas critiquable en soi, mais l’usage qui en est fait, notamment par l’État, doit rester une préoccupation de tous les instants.
Moto Magazine a traversé différentes époques ; mais ce qui ne change pas, c’est sa volonté de veiller au devenir de notre passion, aux côtés de la Fédération française des motards en colère. Notre mode de déplacement est particulier car il continue à générer du plaisir. C’est pourquoi ses utilisateurs ne souhaitent pas se fondre dans la masse. Solidaire, mais aussi solitaire, le motard a besoin du sentiment de liberté que sa machine lui procure. Et il le défendra !

Jean-Pierre Théodore, rédacteur en chef