La bécane de Proust…

Comme l’année dernière, je suis remonté au pays des histoires belges, les histoires de famille, j’entends bien. Je suis donc revenu dans la grande maison familiale, vide depuis presque trois ans, pour nettoyer, vider, ranger, préparer le lieu de l’enfance à devenir autre chose en d’autres mains. Quand on pénètre dans la maison familiale abandonnée, les odeurs des temps anciens envahissent instantanément la totalité de l’être, c’est l’effet proustien de la madeleine, on retombe au pays de la goutte au nez et des gaufres au sucre, on replonge en enfance. Les odeurs ont un pouvoir magique sur la mémoire et il en existe une autre, plus précise et moins bucolique, mais qui me projette immédiatement quarante ans en arrière, c’est le parfum viril d’un bloc moteur tout  neuf.       Une moto qui démarre pour  la première fois dégage toujours une odeur de métal chaud très particulière. L’aluminium et les chromes à peine sorti de l’usine finissent sans doute de cuire pendant les premiers kilomètres et le plus subtil privilège d’être devenu essayeur occasionnel, c’est sans doute celui-là ; démarrer, faire tourner quelques secondes, fermer les yeux et se revoir en ce jour lointain de la fin soixante quinze. Ce jour-là, j’ai pressé pour la première fois  sur le démarreur de ma Honda 500 four et  cette odeur métallique s’est irrémédiablement gravée dans un endroit de mon cerveau, la bibliothèque des odeurs, entre le plancher ciré et les gaufres encore chaudes.

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