De Samarcande à Boukhara.

Fallait-il aller à Boukhara ? Tirer deux cent cinquante bornes vers le sud pour encore m’éloigner plus du froid que je croyais devoir fréquenter quelques voyages de suite ? Sur la route qui m’éloignait de Samarcande, j’en étais à me demander si tout cela était vraiment raisonnable car, même si il y a une bonne part de déraison dans les longs voyages, faire un aller retour juste pour voir une ville de plus, à quoi bon, sinon pour pouvoir dire que ma bécane a franchi son second tour de compteur entre Samarcande et Boukhara ? Le premier c’était entre Arusha et Dodoma, en Tanzanie, je me souviens très bien…encore des réminiscences, des routes qui ramènent à d’autres routes…

Juste entre les deux villes, il y a un grand aéroport tout neuf, au milieu de rien et des champs de cotons…Deux hôtels clinquants, un Airbus de la Kazakstan Airways posé sur la piste…qui pourra un jour me dire pourquoi on a construit cet aéroport, là, au milieu de rien. La moto tousse, je passe sur la réserve puis m’arrête à une station ; pas d’essence. Demi tour, j’en avais repéré d’autres un peu avant… mais non, rien, tout est vide, il n’ a que du gaz. Un peu plus loin, ça ressemble à peu près à un garage. On m’y dit que de l’essence, il n’y en aura que le lendemain. Le chef mécano a plutôt une bonne gueule, il me propose de laisser la moto et de monter en bagnole avec deux petits gars qui trainaient là. Nous voilà parti  dans les villages à la recherche de l’essence, ces villages lointains auxquels on ne fait jamais vraiment attention quand on roule sur la quatre voies… On devine toujours des toits un peu gris en fibrociment, des lignes électriques et quelques potagers.  De près c’est très insolite ; les deux tiers des maisons sont inachevées, vides, des murs un toit, parfois quelques échafaudages et parfois même, des maçons, sur les échafaudages qui ont l’air de travailler au ralenti. On sillonne les rues défoncées, on s’arrête, on se renseigne. Il faudra essayer trois maisons avant de trouver un maçon qui nous siphonne  quatre litres dans le coupé Lada juste à côté ; sa bagnole, je suppose…

On repart à donf au point de départ, je suis encastré dans la banquette arrière entre deux boosters qui crachent une lave musicale en fusion qui me crame les oreilles. Ils roulent comme des malades, ce qui n’est pas plus mal, mes tympans n’auraient pas résisté plus longtemps. Je suis reparti…très vite, pour arriver à Boukhara avant la nuit. Cramponné au guidon, je me repassais cet étrange petit film ; quelle est donc la vie dans ces villages perdus, au bord d’une autoroute, à côté d’un aéroport surgi de nulle part. Il y avait comme une ambiance de vieux film italien dans cette parenthèse insolite. Tous ces branleurs qui tchatchent la clope au bec, et sillonnent les villages vides le pied au plancher et la musique à fond la caisse, en se prenant la tête pour des choses sans doute de la plus haute importance. Dix kilomètres plus loin j’ai trouvé de l’essence ; ils m’avaient dit qu’il n’y en avait plus avant la ville. Peut-être qu’il n’y vont jamais, dix kilomètres plus loin…Ils ont leur vie qui tourne autour des trois villages inachevés et ils semblerait qu’ils y trouvent de quoi la remplir intensément, là bas, au bord de l’autoroute Samarcande, Boukhara…

3 thoughts on “De Samarcande à Boukhara.

  1. Cher voyageur,
    J’envoie qques petits conseils dans les airs. Si vous trouvez qu’ils vous sont utiles, prenez en pour vous aussi.
    1. Essayez de ne pas partir dans un pays avec vos stéréotypes en tête. Cela vous empêchera de voir le vrai pays.
    2. Essayez d’être positif, sinon vous vous pourrissez votre voyage. Les difficultés et les particularités rencontrées font partis de votre voyage et c’est vous qui avez décidé de faire ce voyage. Personne, surtout ces gens qui sont en train de vous aider partout ne vous ont pas obligé de le faire. Si vous pouvez, acceptez vos conditions de voyage avec bienveillance, vous allez voir, vous allez garder de bons souvenirs de chacun de ces moments.
    3. Essayez de ne pas juger le pays voyagé ainsi les gens simples qui sont disponibles pour vous faciliter la vie.
    4. Je comprends que vous avez besoin que les gens vous lisent. Mais vous n’êtes pas obligé comme les voyages des siècles précédents, de caricaturer, d’exagérer voire de rendre plus exotique vos récits. Nous sommes au 21ème siècle et les lecteurs ne sont si bêtes que vous le croyez.

    Je m’excuse à l’avance si mes conseils d’amis étaient un peu dure, mais croyez, ils sont sincères et ne vous souhaitent pas de mal. Au contraire.

    Et je vous souhaite de tout cœur bonne continuation et un bon voyage!

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