Asta et Linas


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Au kloub, il y aussi un autre couple, jeune et lituanien, Asta et Linas, avec chacun sa BM ; lui la 800, elle la 600,  à leur retraite ils rouleront peut-être en KTM…. Eux, ils vont aller vers l’Asie Centrale, puis l’Iran et de là embarquer pour l’Afrique.  Asta me demande des tuyaux; je lui  file quelques conseils et quelques adresses,  je fais mon briscard breton, le genre qui a tout vu de l’Afrique. Je lui dis que le Mozambique c’est mieux pour descendre que la Zambie ; je lui conseille de s’arrêter à Tofo et à Ilhia de Moçambique et d’y appeler Yorick de ma part….je ne lui ai pas dit, à cette jeune blonde nordique que Yorick avait poursuivi de ses assiduités insatiables toutes les gazelles sculpturales du pays, le long du canal du Mozambique, de Pemba à Inhambane, et qu’une blondeur nordique allait peut-être l’affoler. Mais ils verront bien sur place, son grand gaillard devra rester courageux et vigilant ; courage et vigilance, comme disait Mobutu quand il se croyait immortel…

Philippe et Nathalie…


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Val m’avait donc confié la clé du club  pour accueillir Philippe et Nathalie. Un couple de voyageurs à moto, sur les routes depuis dix huit mois avec deux KTM.

A ma grande surprise, ce ne fut pas deux jeunes sauvages que j’ai retrouvés devant la porte, mais un couple proche de la retraite. Il est marin, breton et forgeron. Il a écumé l’Arctique et l’Antarctique en bateau, les  pistes Sahariennes en camion et même la piste Nord Sibérienne qui m’intéresse tant.

Philippe, c’est une mine d’informations, je boirais bien ses paroles, mais le débit est tel que je risque d’avaler de travers. Il faudrait l’enregistrer puis se le repasser le soir à la veillée, par petites doses et de préférence en vitesse lente pour ne rien en perdre. Nathalie s’abreuve de ses paroles, elle a de l’entrainement et, à chaque saillie, éclate d’un rire atomique. Voilà sans doute ce qu’on appelle un couple taillé pour la durée. Elle a bu ses paroles pendant des années, lui, d’un bout à l’autre du globe et elle, à la maison, comme une vraie femme de marin.

Et puis un jour, elle s’est acheté  une 125 et elle l’a suivi à travers toute l’Asie, de la Turquie au Vietnam puis du Japon à Vladivostok.  Il me dit que, quand même, du voyage comme de la forge, il prendrait bien  sa retraite et avec son infirmière de Nathalie, quelque part dans le sud de la Bretagne, sur ses terres, il ouvrira un relais motard où il pourra raconter ses voyages à la veillée, en direct et en avance rapide.  On bricole nos bécanes ensemble, c’est comme si j’avais allumé la radio ; je ne sais pas comment il faisait quand il voyageait tout seul, il a dû stocker un disque dur entier d’anecdotes et même des minicassettes TDK métal, du temps où il passait des camions au Bénin.  Je vidange mon moteur, j’écoute sa traversée du Tanezrouft, on casse la croûte pendant qu’il me raconte quelques expéditions polaires avec des chiens et des bateaux qui coulent et puis je remets de l’huile neuve en écoutant la Route des Os, au nord de Yakutsk. Ah merde, j’ai oublié de remettre le bouchon, toute l’huile est par terre, j’ai dû être un peu déconcentré !

En recherchant des bidons neufs à la station, un jeune blond au regard clair, commence à discuter ; dans un jargon approximatif, on arrive à se comprendre, il a aussi un club, un kloub comme on dit ici, il veut me le montrer, c’est un kloub de motocross, il m’y fait voir toutes les bécanes et il m’offre un pneu , comme ça , spontanément, comme on offre une bière, pour me remercier d’être passé.  Je ne le reverrai sans doute jamais, j’oublierai même son regard limpide…le drame de l’être humain, c’est qu’ il finit  toujours par oublier; les regards croisés se noient dans les brouillards du souvenir…

petites dessins et rencontres floues à l’Alliance de Vladivostok…


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Aujourd’hui j’ai fait mes premiers dessins à l’Alliance Française, j’ai rencontré des motards français, et des motards Lettons et d’autres motards français, mais ça c’était hier…on a bu du vin australien, ça perturbe la concentration pour l’écriture, même si ça libère la concentration pour la conversation. Les motards français étaient en couples, des vieux briscards et  des jeunes aventuriers mais vieux quand même, je sais, c’est pas clair,  je vais essayer de me concentrer, de désaouler et structurer ma pensée pour mieux raconter tout ça…mais pas tout de suite…

poser ses repères à Vladivostok…


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Le comic’s shop de Sasha est un bon endroit pour dessiner. Tous les fan’s de bandes dessinées passent par là. A l’échelle du pays, ça ne fait pas beaucoup de monde mais , à l’échelle de son petit local, c’est plutôt dense. On y croise aussi les acharnés de jeux de rôle et de game of thrones. Du métaleux chevelu à l’étudiante en art plastique ; côté look, c’est assez disparate et, en ce qui concerne les conversations, c’est souvent plus intéressant que dans les club de bikers. Nous passons allègrement de la liberté d’expression à l’histoire de la Corée, du sens de la mise en page au rock mongol…et puis pas loin, il y a un grand resto populaire et très joli, on y mange pour pas cher et parfois on y croise de jeunes musiciennes diaphanes qui entre deux cafés, s’offrent une sonate de Chopin sur un magnifique piano à queue. Je crois que si les paperasses traînent un peu, j’aurai trouvé mes repères pour trainer quelques jours à Vladivostok…

Un dimanche à la plage…


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Aujourd’hui, je devais reprendre contact avec Val Samuraï mais, tout comme l’année dernière, ses messages sont toujours assez laconique et il faut une certaine patience, ou un bon bouquin à lire, pour attendre son arrivée…mais il arrive toujours. Nous sommes donc allés faire une petite visite au Club… Le Club est ce lieu incontournable chez les motards russes où on fait toujours une étape histoire de causer carbu en bouffant des chips gras et de la mayo. On peut ensuite regarder des films soviétiques à la télé et puis se demander combien de temps on va rester là. Heureusement, malgré l’arrivée de quelques collègues, nous sommes partis faire un tour. Val m’a amené chez lui pour récupérer madame et partir faire un tour à la plage. Il habite une vieille maison en briques, en face d’une encore plus vieille maison en bois , sur une colline herbeuse où poussent un peu partout de grands immeubles de béton et de verre…un peu comme l’aéroport…il a un petit jardinet, une terrasse avec tonnelle, on boit un thé en regardant le papy de la maison en bois qui regarde ses fleurs pousser en slip. C’est lui qui a le slip, pas les fleurs…enfin pas Val Samuraï, le papy d’en face… Autour de tout ça, l’urbanisme un peu anarchique du pays fait sortir de terre de grandes tours qui font de l’ombre aux fleurs sauvages. Après la petite visite, nous avons rejoint le reste de la famille à la plage de Russkiy Island…C’est un peu une plage foutoir à l’accès rocailleux très embouteillé.   Il y en a qui vivent là tout l’été dans des cabanons caravanes un peu déglingués. Ils gèrent les buvettes, les locations de tentes, le château et le toboggan gonflable. Ils ne ramassent visiblement pas les poubelles. Au retour, il y a des bouchons interminables sur les deux viaducs, mais on passera par les petites routes pour manger quelques blinis dans la belle famille et, finalement, la journée touchera à sa fin… Rare privilège ; Val m’a laissé la clé du club et chargé d’accueillir deux motards français qui doivent arriver  de je ne sais où mais personne ne sait vraiment quand…   C’est super, je vais pouvoir mater plein de films soviétiques…

mon voisin petit front…


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Les chambres collectives c’est un peu comme à la loterie, ou comme en prison, on ne sait jamais trop bien sur quoi on va tomber. Je ne connais pas vraiment la prison, mais j’imagine… Le dominant des deux russes à petit front  a commencé à être du genre désagréable dès le deuxième jour. Bon, d’accord, je n’avais pas rangé la clé comme il faut, mais, d’accord, ça va, pas la peine de s’énerver, surtout quand on a en face quelqu’un qui visiblement ne comprend rien du tout. Voulait-il encore se venger, le soir, quand je suis rentré ? Il écoutait la télé encore plus à fond, il vociférait au téléphone avec encore plus d’énergie, je crois même qu’il avait légèrement incliné l’écran vers mon lit pour que, même avec mes boules de cire, je ne puisse toujours pas dormir ; mais peut-être qu’il y a là comme une légère pointe de parano. Je suis excusable, à mon âge on n’a plus tellement l’habitude de se faire engueuler en chambre collective.Je ne sais si, le jour suivant ,c’est le fait que j’ai un peu dit à la réception que j’allais sans doute aller chercher ailleurs parce la vie en cellule c’est pas mon truc, que la subhumanité ne me fascine que de loin  ou si c’est parce que je suis pote avec Val Samuraï ou si c’est un peu tout ça à la fois, mais, le troisième soir, mon tortionnaire n’a pas allumé la télé et son disciple était parti ailleurs. C’est même moi qui avais peur de le réveiller avec le cliquetis de mon ordinateur… Vais-je me remettre à croire en l’Humanité ? Non, je ne crois pas : le lendemain, alors que je dormais profondément, délicatesse extrême, il m’a réveillé en me secouant virilement pour me dire au revoir et disparaître en laissant la porte grande ouverte ; celle qui donne sur la cuisine collective pleine de chinoises coincées…heureusement, ce matin-là, les chinoises étaient déjà parties…

Russkiy Island


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Sasha m’a embarqué dans la caisse de Andrej pour aller pique niquer sur Rouskiy Iland. Cette île fut d’abord une base soviétique. Quand les temps ont changé c’est devenu la balade du weekend. On a construit un grand pont et la nouvelle université. Katia, la nouvelle girlfriend de Sasha, est une jeune journaliste qui aimerait se reconvertir en romancière de science fiction… c’est, semble t’il pour elle, le meilleur moyen de,  raconter ce qu’elle veut sans risquer les emmerdes. Après le bol d’air, ils m’ont amené directement chez Ilya pour redémarrer la moto. Ilya, je ne l’ai vu que quelques minutes l’année dernière…je ne sais pas trop quel est son boulot, mais il paraît qu’il connaît bien les arcanes douanières et si c’est vraiment le cas, ça pourrait faciliter bien des choses, car c’est bien là la première mission de ce début de voyage…mais j’en saurai sans doute plus demain…

la piaule…


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Val Samouraï m’a trouvé une piaule collective dans une petite maison au centre ville. Quatre lits, trois fenêtres et deux colocataires . Le premier passe sa vie sur son téléphone et le second, plus polyvalent, sur son téléphone et devant la télé. Deux petites boules de cire glissées dans mes oreilles m’ont offert ce sommeil intense et lourd tellement indispensable pour revivre normalement après un saut spatio-temporel d’un bout à l’autre du continent…  

Le lendemain, je redécouvre la ville, les salons de thé, le nouveau comic’s shop de Sasha et toutes les filles de l’alliance Française qui m’ont préparé quelques petites conférences pour meubler cette semaine de transition.

Escale sanitaire en Corée…


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Les aéroports se ressemblent tous. Un mélange de béton, de verre et d’acier, des escalators , des couloirs interminables et des hauts parleurs nasillards qui crachent en boucle les références des prochains vols et les noms des retardataires. Au petit matin de mon escale, les deux bâtiments de celui de Séoul sont noyés sous une petite pluie fine. Ils sont reliés par une navette sur rail qui, à la fréquence d’une toutes les cinq minutes, amène sa vague humaine depuis les arrivées jusqu’aux correspondances. La seule différence, dans cette aérogare ce sont les toilettes. J’avais entendu parler de ces prestigieuses cuvettes japonaises qui te font les soins complets après livraison. Je n’espérais pas les trouver aussi en Corée. Dans un petit accoudoir high tech, différents petits boutons donnent accès au balayage tiède, ou au massage vigoureux. Il y a  même une option Karsher qui décape presque jusqu’à la prostate.

J’y aurais bien passé quelques heures à m’y désaltérer, c’est sans doute l’endroit  le plus calme du coin. Mais je n’étais pas le seul  à rêver d’y faire un stage. Alors il ne me restait qu’à rejoindre la marée pour y attendre ma correspondance…