Le matin, je pousse jusqu’à Kraskino. Ce n’est pas très joli non plus Kraskino…un petit port rouillé, des baraques de pêcheurs, des bâtiments en ruine de ce qui fut sans doute une prestigieuse garnison et bien sûr des immeubles soviétiques et des murs abandonnés; immeubles détruits, immeubles jamais construits, ça devient difficile à dire…L’air est doux, les grillons chantent, il y a des insectes partout, on sent qu’on se rapproche des tropiques. On m’a dit que c’est ici le point le plus méridional de toute la Russie. La proximité des frontières, cet air doux, ces routes inconnues ; tout ça fait renaître en moi des envies d’ailleurs…mais vers le sud, ce n’est pas ma route et ces frontières fermées c’est juste de la provocation… Alors je fais demi tour pour repartir vers le Nord ; j’amorce la grande remontée. Afin d’un peu prolonger la balade, je fais un détour par des routes en terre qui m’amènent à nouveau au bord de l’eau après avoir traversé des zones de savanes et d’étangs qui me ramèneraient presque en Afrique, je me mets à guetter hippopotames et éléphants, après tout, ne sommes nous pas juste à côté d’une réserve où se cachent les dernières panthères de l’Extrême Orient Russe? La petite moto orange n’est pas vraiment faite pour les pistes caillouteuses, mais son poids plume, son moteur bourré de chevaux et son freinage incomparable, permettent de retrouver le plaisir de la piste, même si le dos n’est pas franchement ménagé par des amortisseurs pas vraiment programmés pour la caillasse et la taule ondulée…
Ilya m’envoie à ce moment des photos de ma moto arrivée du Japon en import avec une MV Agusta toute neuve et une autre photo de mes nouveaux papiers. Incroyable: ce serait la fin de cette étape immobile ? Je repars directement vers Vladivostok, retrouver, avec un plaisir diffus, l’hôtel triste qui commençait presque à me manquer…