La vie sur pilotis…


ptiluc1

Le lendemain, personne ne vient me chercher…Kiryul a du travail…Il me dit  que c’est Pronya qui viendra un peu « plus tard »…je sens qu’une élasticité temporelle va s’installer peu à peu. J’allonge la jambe sous un coussin et je somnole. Kiryul est dans le diamant, son père était déjà dans le diamant, la Yakoutie c’est la région du diamant et du permafrost : la ville est construite dessus, c’est gelé sur cinquante mètres de profondeur et au mois de juillet, quand il fait très chaud, ça ne dégèle que de deux mètres. Yakutsk est construite sur des pilotis. Depuis peu, grâce aux nouvelles technologies, on peut ériger des immeubles dans la ville, mais jamais de parkings souterrains, à cause de la glace. C’est pas de bol, ce serait pratique des parkings souterrains parce qu’ici, il y a cent cinquante mille bagnoles, une pour deux habitants, et en plein hiver, on ne peut se déplacer qu’en bagnole. En mode piéton, en janvier, si on est pas couvert, on perd ses doigts et son nez en moins d’une minute ; ça fait rêver. Pronya est venu me chercher, il m’emmène à la moto ; il fait froid dans le hangar…mais j’essaye quand même de préparer méticuleusement la période de repos de mon vieux cheval. Avant de me ramener au club, il me fera visiter ses bureaux et son petit super marché où je pourrai faire quelques provisions pour les prochains jours. Je retrouve le club surchauffé et les fenêtres ouvertes. C’est comme ça en Russie; quand on redémarre le chauffage collectif, on lance la machine pour tout l’hiver, on ne fait pas de chichis, on balance la purée. Si t’as trop chaud, tu ouvres la fenêtre, c’est pas compliqué. Allongé sur le lit, je claque mes dernières unités en appelant Inter Mutuelle Assistance, il est temps de réagir sinon je vais passer l’hiver ici ; perdre mes doigts et mon nez… Yakutsk est construite sur des pilotis, comme Venise. Combien de gens rêveraient de passer un hiver à Venise ? Moi, je me tâte…