De Churachoa à plus loin…


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Churaocha, une petite ville anonyme avec un hôtel qui n’en est pas vraiment un… au premier étage, des bureaux, au second, des salles vides et quelques chambres à cinq lits… ça ira très bien pour une nuit, même si il n’y qu’un filet d’eau jaunâtre au lavabo des chiottes. Je suis à cent soixante kilomètres de Yakutsk et je prends mon temps… Le matin, je vais dans le village chercher un petit déjeuner, de la viande et du choux, ce n’est pas de la viennoiserie mais ça va me tenir au corps.

Les bureaux du premier, au vu des photos affichées, ça doit être un ministère de la chasse ou quelque-chose comme ça. Il semble bien, que tout comme Maxime à Yakutsk, on me demande si je voyage seul et sans arme, c’est à cause des ours, il faut bien avouer qu’à deux et sans armes, ils n’auraient plus qu’à se tenir à carreau, les plantigrades.

Il fait beau, la route n’est pas trop fréquentée et c’est très bien, parce que les croisements dans la poussière on ne s’y habitue jamais… le sol est recouvert d’un subtil mélange ; un tiers sable, deux tiers gravier, il suffirait de saupoudrer de ciment un jour de pluie pour avoir un béton parfait.

Dans les cimetières fleuris, se côtoient des tombes traditionnelles en forme de petite maison, et celles de l’époque soviétique avec faucille et marteau et puis celles en ferraille moins jolies mais plus recyclables, des tombes constructivistes. Je m’y offre une pause de plus… les cimetières avec vue sur la campagne infinie sont des lieux privilégiés où l’on entend que le chant des oiseaux, pas un téléphone, pas une télé de merde, ça donnerait presque envie d’être mort…

Au bord du chemin, une carcasse de cheval est disputée énergiquement par les milans, les buses et les grands corbeaux… je m’arrête quelques instant, non pas que l’odeur soit euphorisante, mais le balai des oiseaux et leurs discussions animées au dessus de ma tête me change encore d’ambiance sonore…juste oublier la téloche des cafés de bord de route…

Parfois une bagnole s’arrête, on échange quelques mots que personne ne comprend, mais finalement quelle importance, on se sert la louche, on se congratule et on reprend nos routes et nos vies…


Vers cinq  heures, je m’offre une pause dans une jolie prairie avec les ruines de ce qui semblerait être une ancienne exploitation agricole. Il fait doux, c’est un bel endroit mais je trouve que c’est un peu tôt pour l’étape, alors je continue… juste un peu plus loin, je me cale sur juste une heure, histoire de trouver une autre prairie… mais un peu plus loin, c’est là que je trouve le tronçon sableux. Les renseignements qu’on m’avait filés, ce n’était pas du pipeau, et je ne m’attendais pas à trouver de la difficulté technique en fin de journée, le mélange béton a perdu en qualité, ça devient vraiment sableux, plus étroit et ça ne quitte jamais la forêt, celle bien épaisse où on m’a vivement déconseillé de camper seul et désarmé. Alors je m’accroche au guidon, je me concentre, surtout quand je croise des camions et que je dois m’écarter de la trace centrale un peu plus ferme. Le ciel rougeoie et la forêt ne s’arrête jamais… mais je finis par enfin trouver l’endroit idéal, au romantisme russe absolu et c’est là, immédiatement que je décide de faire la pause…