Pas grand-chose à faire pour le troisième jour


ptiluc1

Encore une fois, je vérifie devant le grand hangar que la batterie de la moto n’a toujours plus la force de la ressusciter le matin. Même assistée de ce petit appareil moderne qu’on appelle un booster, ça tousse à peine. Rien d’autre à faire aujourd’hui, à part un peu de marche à pied. Je déambule dans les amas métalliques des friches enneigées, ou entre les blocs d’immeubles colorés. J’ai fait la liste de ce que je dois absolument me procurer si, faute de camion, je décide de prendre la route. Il faut que je trouve un chargeur pour pouvoir avoir l’illusion que j’ai une batterie neuve chaque matin. Une bonne paire de pinces à batterie sera bien utile aussi pour si je n’ai d’autres choix que d’arrêter un camion au bord de la route pour pouvoir redémarrer. La batterie est trop faible…c’était ma principale crainte mécanique en revenant à Omolon. Mais que faire ? On peut presque tout emmener avec soi dans les avions : des pneus, des pièces mécaniques, mais une batterie, pas question. C’est comme ça , il faut se débrouiller sur place et sur place, parfois, l’offre est terriblement limitée. Il y a quand même quelques petits modèles, sans doute pour les motoneiges et puis des énormes, pour les quatquatres ou les camions… Mais dans la tranche du milieu, il n’y a rien.

Chez Hassan, il n’y a plus ni femme , ni enfants, ils sont allés s’installer ailleurs. L’appartement est donc plus calme et je peux m’accorder quelques pauses studieuses pour lire, écrire et dessiner un peu. Quand le maître des lieux rentre du boulot, il faut vite oublier les pauses studieuses, la téloche et les conversations téléphoniques tonitruantes envahissent à nouveau l’espace sonore. Il est gentil Hassan, mais je ne sais pas pourquoi il ne parle qu’en hurlant, comme j’ai un petit mal de crâne récurrent, sans doute dû à un excès de politesse, je me suis mis à l’aspirine.

Le soir, avec quelques potes, nous allons au banya municipal ; le banya, le sauna russe, le lieu idéal pour se détendre et évacuer ses toxines. Quand je vois le gigantesque pack de bière qu’Hassan emporte, je m’inquiète un peu pour le projet de détente. Un pack, que dis-je, une petite palette plutôt ; je crois qu’Hassan ne fait jamais dans la demi-mesure. Heureusement, comme la petite bande commence par vider des canettes en mangeant du poisson séché dans le petit salon d’à côté, je peux profiter un peu de la chaleur suffocante en solitaire. Mais cette quiétude n’aura qu’un temps et quand ils débarquent tous, plus chauffés que le lieu où nous Transpirons à grosses gouttes, je me dis qu’il va être temps de prétexter un repli. Quand le plus agité commence à vider des bières sur les pierres chaudes, l’odeur qui monte avec la chaleur me submerge… C’est le bon moment pour m’éclipser afin, comme le veut le rituel, d’aller me tremper dans l’eau froide de la petite piscine d’à côté. Je resterai encore un peu en préparant mon repli, l’âge est parfois bien utile quand on cherche une bonne excuse . Il faut que je m’enfuie avant que l’idée ne leur vienne de pisser sur les pierres chaudes. Dehors le calme est total; Ils ont allumé des guirlandes dans les arbres qui longent le trajet du retour. Le voilà enfin le moment de détente…