Ma piaule


ptiluc1

Je suis tout seul dans un deux-pièces… Mais deux grandes pièces avec du parquet vernis. Cet endroit est étrange, je prends souvent des petites décharges électriques dès que je touche une poignée de porte ou que je branche mon ordinateur. Sans doute que la mise à la terre de l’immeuble n’a pas été faite dans les règles, ou alors c’est une histoire surnaturelle en terre chamanique.

C’est sans doute parce que Raysa a gardé un peu de cette science-là, héritée de ses ancêtres. D’ailleurs dans leur appartement, il y a des plantes partout, à tel point que parfois, ces insupportables goélands qui pullulent en ville viennent frapper à la fenêtre en espérant grappiller cette verdure inaccessible.

J’ai rencontré Alexander qui organise des plans touriste pour qu’il me trouve des combines pour passer un jour en Alaska. Je savais qu’il parlais anglais, ça pouvait simplifier les discussions ; mais en réalité, il parle américain avec un fort accent tchoutche… Ça ne simplifie rien du tout mais, à force, avec beaucoup de patience, on va peut-être arriver à dresser les prémices de cette expédition future…C’est qu’il ne faut pas oublier que si j’ai extirpé ma moto de Omolon pour l’amener sur la côte, ce n’est pas juste pour des selfies et des tours de quartier dans chaque ville où les camions me la déposent. C’est que le but lointain, le Graal ultime, ce n’est pas de finir à Anadyr, c’est bien de franchir le pas, ce fameux détroit qui fait rêver tant de voyageurs quand leur regard s’égare aux deux extrémités de la carte du monde, ce seul lieu qui est présent des deux côtés de la planisphère, au Méridien où change la date ; étrange illusion de pouvoir remonter le temps. C’est là où l’Amérique et l’Asie s’effleurent. Quand on est à Egvekinot, on longe la côte pendant trois cent kilomètres et on arrive à Providenya… Dernière bourgade perdue avant le détroit… cent kilomètres plus loin , on recule d’un jour et on arrive en Amérique… N’est-ce pas complètement surréaliste tout ça ? Voilà qui fera , à n’en pas douter, bien des histoires à raconter quand je viendrai rechercher ma moto…