Quitter Seymchan pour plus loin et plus humide…




Le lendemain, le ciel est dégagé, alors je traine encore.

Je vais faire un tour au musée. Ils se ressemblent un peu tous les musées des petites villes. Il y a la salle nature avec des animaux empaillés, la salle géologie avec des cailloux, des bouts de météorite et des minerais , la salle des peuples anciens avec des tipis, des fourrures et quelques ustensiles et puis la salle soviétique et celle sur la grande guerre, qui est, en Russie, celle de 1940.

Sacha et Yula sont vraiment heureux d’avoir un visiteur étranger ; d’habitude, ils ne voient défiler que des classes turbulentes.   Au moment de signer le livre d’or, évidemment, je sors le feutre et ne loupe pas mon effet. Ces deux-là n’ont pas l’air au courant des façons de remonter vers le nord, mais ils ont tellement envie que je revienne que je crois qu’ils deviendront de précieux informateurs.En partant, je fais le détour pas l’aéroport. Des aéroports en rondins, ça ne se voit pas très souvent et à l’intérieur il n’y a pas foule ; je passe de salle en salle, c’est à se demander si c’est encore vraiment un aéroport cette grande cabane… mais je finis par tomber sur un jeune couple dans la salle météo. Ils ont l’air ravis eux aussi d’avoir de la visite ; ils me racontent qu’ici, les américains se ravitaillaient quand ils allaient bombarder l’Allemagne nazie depuis leurs bases en Alaska. On me confirme aussi, mais historiquement ça a moins d’importance, qu’il y a un vol par semaine pour Magadan, c’est pas cher et l’avion a une sacrée gueule, ça donnerait presque envie d’y aller tout de suite…

Je finis par reprendre la route mais le temps se gâte et avec la pluie, une fraicheur humide s’insinue partout. Je me réchauffe à l’intersection, cent dix kilomètres plus loin, au kafé de l’avant veille… et je reprends la route fédérale, vers Magadan.

Il pleut, sur la piste mouillée, je n’avance pas vite, je suis légèrement envahi par le vide sidéral, ces instants insolites où on aurait presque l’impression que la moto avance toute seule…La lumière baisse, il n’y a que des forets humides, je guette la ruine soviétique où m’abriter, mais je ne roule qu’au milieu des mélèzes.

Quand je trouve enfin ma ruine, je m’y précipite gaillardement, sans réfléchir…mais avec la pénombre, je n’ai pas deviné le bourbier juste devant. Embrayage, filet de gaz ; les pneus font ce qu’ils peuvent . J’essaye de sortir par le côté, erreur fatale, ça remonte ; l’arrière s’enfonce, le moteur touche, c’est bloqué.

En face, sur un grand parking, je repère un vieux semi remorque bâché ; je vais tenter de trouver de l’aide. Il n’a pas l’air commode ce routier rustique mais il voyage en famille, avec madame et le chien ; et madame, elle, semble mieux disposée. Alors, après un petit conseil de famille, on manœuvre le Kamaz pour y atteler la moto, mais ce n’est pas si simple, il est très long, pas question d’ embourber la remorque chargée… alors , madame arrête un quat’quatre, puis un autre, tout le monde s’active, mon embourbèrent pourrait devenir l’endroit à la mode, sur cette route presque déserte.

Je croyais discuter le coup avec la famille camion ; dans la famille camion, je voudrais le chien, tout ça…mais tout le monde reprend sa route et je n’ai plus qu’à planter la tente sur le grand parking vide, froid et humide.

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