Retour au monde des camions

Toute une hiérarchie complexe entoure le monde des camions, entre les chauffeurs, les propriétaires de camions ou les transitaires et les transporteurs, il y a tout un imbroglio de sous traitance, mais je sais que c’est partout pareil, le monde des camions c’est une nébuleuse. Par exemple, Micha, l’ami de Evgeniy qui au départ devait m’emmener mais qui a dû rester coincé dans une congère géante, quelque part dans la taïga, Micha, donc, est propriétaire de deux camions, il peut donc louer ses services à un transporteur qui manquerait de matériel et si lui même n’y arrive pas, embaucher un conducteur pour prendre le volant du second camion. C’est là qu’intervient, Yura. Il a été embauché pour emmener quelques tonnes de pâtes, de sel et de poulets congelés jusqu’à Omolon. C’est entre toutes ces denrées qu’on a coincé la moto. Le matin du départ, je suis allé acheter un stock de fruits secs, de soupes en sachet et trois saucissons rougeâtres pour les protéines. Je ne sais pas de quoi sont faits ces boudins-là et j’y trouverai sans doute plus de lipide que de protide ; ça devrait éponger la vodka..hier, quand on chargeait la moto, Yura m’a fièrement exhibé un bidon de cinq litres d’un carburant qui devrait mieux convenir à la moto qu’à mon petit organisme fragile, me voilà prévenu. Cette année la moto n’a encore fait qu’une dizaine de kilomètres, mais fièrement arrimée à l’arrière de la benne, je sens qu’elle va péter le record. Evgeniy et Nina m’ont donc déposé à l’entrepôt perdu où Yuri continuait à vérifier les arrimages… Nous avons pris la route, la même que l’année dernière mais dans l’autre sens, et puis avec des paysages d’hiver ; cette fois-ci, on laisse tomber le mélèze doré. Je revois les endroits où j’ai fait étape, où je me suis embourbé, je me repasse le film à l’envers… mais en camion on ne traîne pas, nous avons cinq cent bornes à boucler dans la journée.Les anciennes villes soviétiques abandonnées sont encore plus terrifiantes sous la neige, mais tout autour, ce n’est que collines enneigées. Après cinquante bornes de belle route puis tout autant de goudron défoncé, on retrouve la piste. Presque tout est déneigé, presque faisable à moto… mais où donc dormir le soir ? Où trouver du carburant ?Dans la cabine du camion, finalement, on est pas mal du tout, Yura est un bon convive qui conduit avec application en buvant des bières et en fumant de temps en temps, des cigarettes coniques qui doivent l’aider à bien garder le cap…

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