De la Russie au Kazakhstan…

Deux degrés au petit matin, une fine couche de givre sur les usines délabrées, mais il ne pleuvait plus. Yvan, un autre, ils s’appellent tous Yvan ici ; Yvan, donc, a dormi avec nous, chacun son canapé. Il s’est embrouillé avec sa gonzesse et depuis il campe au club, c’est ça aussi la solidarité motard. Il nous  a parlé de l’esprit motard, du vrai, pas les Loups Gris de Moscou qui ne sont que des mafieux. Il nous a expliqué pourquoi ceux de Novocibirsk ne sont plus des potes, pour des histoires de « couleurs » ou de chefferies de club, les drapeaux et le pouvoir, les mêmes qui s’engueulent dans la cour de récré et puis qui vingt ans plus tard font la guerre pour toujours les mêmes querelles puériles. Yvan nous a escorté jusqu’à la sortie de la ville et on  a tiré plein sud vers la frontière du Kazakhstan. Le ciel se dégageait peu à peu, on  est arrivés à Rubvstovk, dernière ville aux rues défoncées avant la frontière. Quelques garnisons, un dernier plein d’essence et on rejoint une  douane un  peu vide en rase campagne. Sortie de Russie toute simple, entrée au Kazakhstan un peu perturbée par la double nationalité de Féderico. Il n’a pas encore compris qu’on ne sort pas deux passeports à une frontière en se demandant lequel est le  plus adapté pour avoir le séjour le plus long. Grossière erreur. Un fonctionnaire de frontière, gardien des limites d’un territoire national, ne pourra que voir d’un très mauvais œil un jeune barbu qui s’emmêle les pinceaux, un passeport dans chaque main. Il n’a obtenu que  cinq jours pour traverser le pays alors que moi, on m’en a filé quinze. Une cinquantaine de kilomètres plus loin, on s’est échoué dans une grande prairie au bord d’une forêt de pins. On a fait un feu de camp pour le pique nique et puis on s’est endormi  après quelques rasades de vodkas…De Barnaul à la frontière, ça ressemble un peu à la Beauce, des champs cultivés, des bouquets d’arbres, des allées de peupliers et au milieu de tout ça, une belle route toute droite . Une fois la frontière franchie, ce serait plutôt les hauts plateaux d’Ardenne avec une petite départementale défoncée. Des conifères et des landes herbeuses. Après la ville de Semey, la première du pays, soviétique à souhait, on se retrouve sur une sorte de plateau de grand causse, comme dans le Massif Central, mais comme si le Larzac allait de Millau jusqu’à Amsterdam ; le Kazakhstan, c’est très grand comme pays. C’est facile les comparaisons géographique, mais les descriptions sont terriblement simplifiées.Le revêtement de la route doit dater un peu. Le goudron mal rustiné est  constellé d’ornières, de trous et de raccords approximatifs. Après trois cent bornes, même Féderico, qui est toujours là et aussi courbaturé que moi, a préféré aller dans le petit hôtel de bord de route, plutôt que de planter sa tente, faire son feu et manger ses sardines…L’endroit est plutôt sinistre, la taulière profondément antipathique et sa fille relativement débile, mais la douche est chaude et l’oreiller moelleux à souhait.

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