Chap 13 : Plus de selle, s’il vous plait ! Hommage aux passagères…

Des sacs à dos en magasin, il en existe de tous genres, de toutes formes, de tous âges, surtout chez les Tarmos un peu vieillots. Chez les plus jeunots, y’en a un petit peu moins, parce que leurs belles en peuvent plus de ces motos de solistes sans presque rien de selle, parce qu’elles ont trop mal aux fesses sur les dosserets tout en plastique des p’tites sportives de leurs chéris, parce qu’elles se sentent ridicules d’être assises pareilles que des grenouilles, avec le cul au-dessus de leur tête et les genoux plus haut que les coudes, et puis, il faut bien le dire, parce que le guidon leur va au moins aussi bien qu’à leur mari ou leur copain, surtout depuis que nos diables d’engins se sont muées en motomobiles bien policées ne puant plus l’huile de ricin, ne pissant plus sur nos godillots ni sur leurs escarpins et n’enduisant plus de cambouis le vernis à ongle de leurs jolies mimines. C’est l’évolution de la société, autrement dit le cours des choses, qui trop lentement mais inéluctablement tend à permettre à nos belles de passer devant. Cela, personne ne devrait s’en plaindre, car une liberté gagnée et une chance de plus offerte à l’humanité de rester dans la danse.

Mais SylvieChérieToujoursPlusJolie et moi, n’avons que faire de savoir qui devant qui derrière. Pour nous pilote et passager, c’est du pareil au même, c’est à valeur égale, car la route qui se déroule juste en dessous de nous ne fait pas dans la nuance et à la moindre erreur, c’est tout deux qu’elle balance.Tout bien serrés l’un derrière l’autre sur la large et profonde selle de Miss The XJR, nous filons droit devant dans la nuit et avalons les kilomètres, moi, les bras grands écartés pour lui servir de bouclier et le cerveau en ébullition à force de concentration, elle, ses immenses yeux de biche sondant l’obscurité à l’affût de l’embranchement à pas rater. Défiant ainsi à deux les horizons, nous passons pour être d’une autre époque, sans doute un rien vieillotte aux regards de certains, moi je préfère penser que nous sommes d’un autre monde parce que du jour où nous nous sommes associés, y’a comme une bulle qui nous a entourés.

Oh évidemment, pilote comme passagère, nous ne sommes pas des anges, c’est pas parce qu’on s’aime que sur la route toujours ça baigne. Parfois, ma mie, il faut que je la traîne, et certains jours, c’est elle qui me pousse. Il arrive même de temps à autre que notre cohésion vire à la collision, que nos têtes cailloux s’entrechoquent en projetant alentour des bouquets d’étincelles, mais nous avons vite compris qu’en tournant sur nous-mêmes d’un ou deux degrés, présentant l’un à l’autre un nouveau point de vue, comme deux beaux silex choqués sous le bon angle, de nos gerbes folles naissent de belles flammes, de grands et beaux brasiers autour desquels il fait si bon venir se réchauffer. De temps à autre aussi, quand la route devient trop difficile, quand la fatigue est telle qu’on la croit lassitude, il y a des regards qui glissent sur la motos des autres, des modèles plus récents qu’ont l’air de rendre les kilomètres moins pénibles, au point même d’être tentés de changer de moto, de bouleverser les équipages, mais le lien qui nous unit est plus fort que tout et nous savons que si la route semble plus aisée chez les voisins d’à-côté, c’est tout simplement que par où elle passe, nous y sommes déjà allés, et que faire et refaire, c’est se répéter. Et comme le cavalier se doit de convaincre son cheval au refus devant l’obstacle, il faudra bien finir par franchir ce qu’on tourne et retourne en rond à force de vouloir l’éviter.

Evidemment l’âge est là, bien du temps a passé, nos santés vont  déclinant, nos vertèbres malmenées dansent des claquettes et nos articulations jouent des castagnettes. SylvieChérieLeDosToutPourri est par rapport à moi encore moins bien lotie. L’injustice est flagrante et le challenge est grand pour conserver le cap malgré le handicap. Certains, moins épris, en situations similaires, abandonnent leur passagère fatiguée, la laissent dans un fossé tout au bord du chemin, puis sans même l’égard d’un simple regard, forment un nouveau fringant duo et filent vers le lointain. Mais dans notre monde à nous, notre fameuse bulle, il en va autrement et la difficulté de l’un est un défi pour l’autre, et parce que singeant Rimbaud et son « on est pas sérieux quand on a dix-sept ans », de même j’ose écrire qu’on n’abandonne pas sa passagère quand on en a cinquante. Et c’est ainsi que, pour permettre à SylvieJolieChérieDeMaVie de continuer à mettre son grain de selle dans notre existence, nous est venue l’idée d’échanger quelques paquets d’euros contre un joli panier. Miss The XJR, avec son moteur de percheron, devenir un side, elle ne serait pas contre. Ce sera pour plus tard mais c’est  décidé et donc c’est sûr cela sera.

Mais tout de même, messieurs les ingénieurs, sur nos futures montures, pour le bien de l’humanité comme des générations futures, vous seriez bien avisés de rallonger nos selles, de ne pas mégoter, de les faire bien épaisses, parce que mettre trop de selle, demandez aux cuisiniers, ça n’est jamais que le joli signe que le chef est amoureux.

4 thoughts on “Chap 13 : Plus de selle, s’il vous plait ! Hommage aux passagères…

  1. Waouh ! Madame « SylvieJolieChérieDeMaVie », comme je vous envie. Quelle écriture !…
    « Il arrive même de temps à autre que notre cohésion vire à la collision, que nos têtes cailloux s’entrechoquent en projetant alentour des bouquets d’étincelles, mais nous avons vite compris qu’en tournant sur nous-mêmes d’un ou deux degrés, présentant l’un à l’autre un nouveau point de vue, comme deux beaux silex choqués sous le bon angle, de nos gerbes folles naissent de belles flammes, de grands et beaux brasiers autour desquels il fait si bon venir se réchauffer. » : Magnifique ! …

  2. « L’injustice est flagrante et le challenge est grand pour conserver le cap malgré le handicap. » Celle-là mon cher Dany je la garde au chaud …. inutile de préciser pourquoi … même si les blogueurs et les blogueuses ne sauront jamais pourquoi 😉 et c’est tès bien comme ça ! Au fait j’ai toujours pas de blog … hi hi hi hi !!!

    • Je les veux libres de copyright, aussi est-ce avec plaisir que je les offre à tous les mélomanes aux jambes flagadas, aux yeux raplaplas, mais qui sont tout ouïe à la musique du monde et avec un coeur assez grand pour entendre ces notes que la vie nous chante…
      Bises à tous les trois et bon blog… à venir.

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