Des d’jeuns et des moins d’jeuns se posent la question du « comment ça se passe le passage du 2 au 3 roues (j’cause du side-car, pas du mp3, évidemment, on reste entre amis…) ». En filigrane se dessine : Qu’est-ce que mon ego va devoir subir pour avouer que passer d’une situation de total déséquilibre qui ne tient debout que par la chance et ma maîtrise à une autre où j’suis bien rassuré que ces 3 roues qui glissent sur le bitume glacé de notre France givrée me comble parce que rouler sans cesse sur le fil du rasoir de la chute à force ça fatigue ? Et bien moi, à cinquante balais et après plus d’un million de kilomètres sur 2 roues (et je ne tiens pas compte de mes 5000 kms annuels de vélo-boulot-dodo), 1 million de kms à escorter des SAMU, des ambulances, des poches de sang, des organes dans des glacières, des grands hommes et d’autres très médiocres, des présidents, des ministres et même des rois ou des révolutionnaires, des quidams richissimes, des sportifs très dopés ou des artistes très anti-conformistes etc.. (plus ou moins dans l’ordre de mes préférences) mais aussi à aller chercher ma fifille à Helsinki, à voyager de noces en Grèce, en amour en Ecosse, bref à traîner mes guêtres motocyclistes dans près de 24 pays d’Europe entre 1982 et « now » (parce que l’anglais c’est plus universel encore que l’esperanto et en tout cas pas plus déshonorant), j’suis « lou ravi » (la Provence et ses santonniers me comprendront)… Parce que des étapes départementaleuses quotidiennes de 600 bornes et plusse si affinités avec ma SylvieJolieChérie qui s’endort sans prévenir, ça tenait désormais de l’utopie alors que dans le siège baquet du side, ça roule même quand ça ronfle.
Aussi, parlons un peu technique et idées reçues… Parce que des idées reçues et des préjugés, même dans l’univers très mature du side, y’en a…du genre faut pas aller chercher son side à l’autre bout de la France, faut pas voyager le panier vide, faut pas débuter avec un passager, faut pas… faut pas… (j’ai été chercher le Kyrnos à 600 bornes de chez moi avec pour seule expérience – mais ce n’est pas négligeable – 2 jours de stage Iniside au Mans, je suis revenu par la route sans sac de sable dans le panier et le lendemain, nous partions pour 600 bornes de virolos montagneux avec SylvieJolieChérieQueJaimeTant avant de nous lancer pour un minitrip de 1800 bornes entre Toulouse et Annecy via Ventoux et Verdon à la mi-novembre. Et si je n’ai que quelques 3000 bornes en déambulateur, que je ne suis qu’un tarmokeuf quinqua papa amoureux de la route et des mots et anti poncifs devant l’éternel, j’peux bien écrire ce que j’en pense même si ce que j’pense n’a pas plus d’importance que le premier pet de n’importe quel potentat futur impotent et donc pas très important. Donc mon Kyrnos attelé à une Yamaha Diversion (à moins que cela ne soit l’inverse…), c’est du bonheur… Evidemment, ça manque de watts. Faut dire que la Diversion, déjà en solo c’est pas un cheval de course… alors avec un panier accroché à sa droite… Mais bon, avec des roues de 13 et 14 et la ligne lazer inox, ça mouline quand même grave (6000 tours = 110-120 kms…) et ça consomme encore plus, genre 8,5l à la louche… du coup on a le sentiment d’aller très vite parce que les litres et les décibels, dans l’imaginaire du tarmo pilote, ce sont des kilomètres heure…

Je vous présente Swan… Un singe comme mascotte de notre couple depuis plus de trente ans… le side, sur notre route, faut croire que c’était écrit…
Comme pour le Comète, son ancêtre de chez Side Bike, la roue du Kyrnos est directrice, bref la roue du side tourne et retourne plus ou moins dans le bon sens de la marche en suivant le guidon (même si ça n’est pas aussi simple parce que des fois elle tourne dans le sens opposé…mais on s’en fout parce que l’essentiel, c’est le ressenti), je lis un peu partout que quand on prend un trou avec la roue du side, le guidon n’en fait qu’à sa tête… Conneries ! Tout ce que cette roue mobile fait, c’est rendre l’attelage particulièrement vif quand il faut dépasser, jaillir d’une file à l’autre ou zigzaguer sur une vicinale bien dégradée… à part ça… je ne vois pas. Evidemment, j’cause au nom de ceux qu’ont des bras qui tiennent le guidon, des fesses qui sortent de la selle pour déhancher leur centre de gravité, qui ne s’affolent pas parce que ça vibre, que ça grogne, que ça gronde, et qui ne comptent pas sur la fatalité pour guider leurs roues, qu’elles soient deux ou trois…
Un autre préjugé veut que que le passager ne soit pas à la fête… qu’il y ait des courants d’air… que ce soit très tape cul… j’en passe. Ma passagère, tout ce qu’elle dit, c’est le contraire. Et pourtant, elle n’a rien d’un Rambo ou d’un personnage tout droit sorti de l’imaginaire de Stan Lee. Au contraire… Opérée du dos, travailleuse handicapée, j’en passe et des pires, on peut la croire. Si elle dit qu’elle est bien… c’est qu’elle est bien. Elle veut même que j’en rajoute, que je dise que ça l’éclate de faire le singe dans son panier, de passer d’un côté à l’autre de sa banquette à deux places, histoire de participer à la tenue de route entre deux cachets de morphine. Et comme plus frileuse, y’a pas… le Ventoux et le Verdon sous la neige… si elle dit que ça lui a plu… que même le cap nord en hiver, ça ne lui fait plus peur, c’est dire… Mais évidemment qu’il y a des courants d’air, que même avec la capote fermée le Kyrnos c’est quand même pas une rolls… on parle moto, non ?
Parce qu’au bout du compte, même si ça coince dans les bouchons, que ça va moins vite que ma miss The XJR en soliste dans les viragos de nos montagnes, que ça consomme plus que mon grand-père cantonnier breton au siècle dernier, le side-car, ça me botte. Parce que l’onanisme a ses limites surtout quand on est deux. Parce que la glisse c’est rigolo surtout quand la chute n’est plus une option. Parce que dormir à deux dans un panier bien serrés dans son duvet, aucune moto solo ne pourra jamais en rêver et que quand l’horizon est proche, le passer en duo et côte à côte a plus de gueule qu’aller de l’avant en se tournant le dos.