Il fait frais maintenant ; les arbres sont encore verts et le soleil trompeur. La moto a du mal à démarrer le matin, mais j’ai eu la bonne intuition de remonter une boite avec un kick pour démarrer à l’ancienne. Le temps du camping semble révolu, on est passé à celui des petits motels pourraves au bord de la route. Je crois que la tente pourra désormais me servir à protéger la moto de l’humidité glaciale du petit matin…Je testerai ça lors d’une prochaine étape…mais pas la suivante. J’avais entendu dire que Kazan, capitale du Tatarstan, ça valait le détour ; il faut dire que rien que le nom et la fonction, ça a de la gueule. Après six cent bornes de M7, tantôt toute neuve, tantôt en travaux, parfois en deux voies sinueuses, plus souvent en quatre, tirant tout droit au milieu des forêts et des landes, mais toujours saturée de camions ; après tout ça donc, je suis arrivé à Kazan, sur les bords de la Volga. Après avoir tourné en rond au milieu de ces éternelles banlieues soviétiques avec tramways branlants et immeubles gris, la nuit a fini par tomber et moi par trouver le centre, la citadelle toute blanche au bord du fleuve, mais pas un seul petit hôtel. Que du chicos à touristes ou t’as qu’à faire demi tour. Je déclare forfait et tente timidement du quatre étoiles. La chance est avec moi, ils ont une chambre pas chère, une seule ; elle est pour moi…normal, c’est encore un modèle sans fenêtre…
Ah… Kazan ! Si tu vois un type habillé avec une veste de pluie Motomod en PVC enduit, bleue et un peu pourrave, t’auras peut-être retrouvée celle qu’on m’a gaulé en juillet 1993 à Kazan. On avait pourtant garé nos deux Deudeuches dans un parking gardé, on les a retrouvées ouvertes le lendemain matin… m’est avis que le gardien du parking y était un peu pour quelque-chose : il avait une sale gueule de merdeux franc comme une promesse de politicien et quand on l’a insulté copieusement en français et lui demandant de nous rendre notre fric, il n’a pas discuté, indice qu’il n’était pas clair sur ce coup-là.
On a ensuite repris la route vers Perm, plus au nord, en franchissant la Kama sur un bac branlant.
Pour les hôtels, les Russes disent « gastinitsa »… à l’époque de l’ère primaire post-soviétique, y’avait les gastinista pour touristes (chers, pompeux et surveillés par la militsia) et les gastinista pour les Russes : ces derniers n’étaient jamais indiqués et ils se trouvaient la plupart du temps à l’étage médian d’une barre d’habitations, genre HLM délabré… pour les trouver, fallait le savoir et seuls des russes du coin le savaient. Ils étaient généralement fréquentés par des putes (placées là par leurs maques), des touristes chinois, quelques immigrés caucasiens et des ingénieurs d’usines post-soviétiques en déplacement professionnel qui partageaient avec nous leurs victuailles du pays natal. C’est ainsi que j’ai mangé du vrai caviar issu des ventres des esturgeons de l’Amour, carrément en plongeant à la cuillère à soupe dans un bocal d’au moins deux litres qui avait dû contenir auparavant des malossols géants.
Mais je m’égare… là, c’est ton voyage dont il est question et on attend la suite.
Paka tovaritch,
Komar