Testing de keuf…

Le testing de keuf est une activité particulière, parfois risquée et à laquelle on s’initie souvent à l’insu de son plein gré, comme on dit chez les cyclistes. Jusqu’ici, je me disais que dans ce pays immense, le flic était plutôt cool. Il y en a souvent au bord de la route et ils ont l’air de bosser, enfin de faire le flic, quoi, arrêter des bagnoles, demander les papiers…Moi, après presque deux mille bornes en Russie, j’ai toujours eu l’impression qu’ils ne s’intéressaient pas à moi, que je n’existais pas. Je ne sais pas exactement à combien est limitée la vitesse ici, quand je vois les grosses Lexus noires me dépasser vigoureusement alors que je tiens déjà le cap sur un bon petit cent vingt, je me dis qu’ici, on roule comme on veut. Il y a d’ailleurs  un peu plus de carcasses sur les bords de route que dans la vieille France, mais beaucoup moins qu’en Inde ou en Afrique, tout est relatif, me direz-vous, c’est une question d’équilibre. Et puis à un moment inattendu, un peu après Perm et le passage de la rivière Kama, c’est à moi qu’on a signifié de me ranger sur le bas côté. Oui mais sur le bas côté, avec la courbure de la route, impossible de mettre la béquille, je tente une manœuvre, je cale, le moteur ne repars pas, ça m’énerve, j’arrive à redémarrer, il me regarde d’un air bizarre, presque apitoyé, alors il me fait signe d’y aller, mais que je dois allumer le phare. Il  a raison, en plus il fait gris, mais un flic qui te laisse repartir, c’est  plutôt cool… Cent bornes plus loin, ça recommence ; là, je tente autre chose, le système africain, je regarde droit devant, je n’accélère surtout pas et je continue ma route imperturbable. Un peu inquiet quand même, je scrute le rétro, mais aucun girophare, aucune sirène hurlante; ma plaque toute pourrie a dû les déconcerter. Après, j’ai quand même continué  avec la fameuse tactique du camion, l’angle mort, tout ça, en me disant que peut-être que quelques kilomètres plus loin, il y aurait un barrage de flics avec des guns partout, comme dans les Blues Brothers ou Point Limite Zero, mais non, tout s’est bien passé, je suis arrivé à Yekaterinburg avant la nuit, je me suis arrêté au pied de l’immeuble où j’étais attendu et la moto n’a plus voulu redémarrer, la batterie était définitivement morte et j’étais arrivé à bon port pour l’étape…

2 thoughts on “Testing de keuf…

  1. Priviète tovaritch Ptiliouc (avec l’accent russe, ça fait ptil-i-ouc, les russes ne savent pas dire U, ça n’existe pas dans leurs gosiers)

    Ton histoire de keufs, ça me rappelle en 2001 en allant au Baïkal avec nos trois side-car Oural tout pourraves qu’on venait d’acheter près d’Irkoutsk. On n’avait pas de certif’ de contrôle-technique (obligatoire là-bas) et on roulait phare éteint à cause de nos batteries nazes (phare allumé obligatoire). Donc, on se faisait arrêter par la police de la route, les GAÏ (prononce Gua-hi).
    Notre technique pour ne pas choper de prunes était la suivante :
    Le flic : « S’drastié, docoumenti, pajâlsta (b’jour, vos papiers, s’il vous plait »)
    Moi (avec un sourire très cordial, mais pas moqueur, ni niais, nuance…) : « Bonjour, y’a franssouski, y’a nié panimaye parousski » (bonjour, moi français, pas comprendre le russe), avec un accent bien franchouille, genre Chirac qui parle anglais.
    Le flic : « Da, da.. docoumenti, davaï ! » (ouais, ok, tes papiers, allez…)
    Moi : Ya, fransousse.. Parij ! (en désignant mes potes), lui, lui et elle, fransousski pareil ya, moui tous fransousski. Nié panimaye… Rossia balchoï, krassiva ! (en levant le pouce d’admiration) (Moi, français, Paris ! Nous tous français, pas comprendre… Russie, grand, jolie !)
    Là, le flic se dit qu’il est tombé sur des demeurés et qu’ça va pas être facile… mais il insiste, c’est son boulot. Donc, ça continue sur le même mode… juste avant qu’il s’énerve ou qu’il commence à voir qu’on se fout un peu de sa gueule, on lâche du lest et tu lui sors… ta carte d’identité. Il la regarde, il la retourne, il comprend que ça ne l’intéresse pas et te fait comprendre qu’il veut voir tes fafiots, ceux de la moto, nom d’une pipe ! Haaaa… ça y est, t’as pigé… et tu lui sors ton permis français, puis le permis international, en lui montrant la page écrite en Russe… Répit, le flic, examine, c’est le boulot, service-service. Mais évidemment, ce qu’il veut, c’est les papiers de la moto et peut-être aussi ce putain de contrôle-technique ! Allez, tu lui montres les papiers de la meule, finissons-en… ses collègues se sont approchés, curieux de voir le français et comment va s’en sortir leur collègue qui semble avoir du mal à se faire comprendre. C’est bon, tu as ton public… tu reprends, l’air heureux : « ya, Fransousski, Parij ! Ya davaï na Sibir, daliko ! (tu montres l’Est au loin, avec des gestes). Mototcycle, karacho… darogui troudnii ! Rossia bolchoï… Fransya-Rossia, drrushba ! Normandie-niémen ! Moui droug ! » (moi, français, Paris ! -Paris, c’est plus connu que Montpellier alors tu dis Paris- Moi, aller vers Sibérie, loin ! Moto, bonne… Routes, dures ! Russie, grande ! France-Russie, amitié ! Normandie-niémen ! (symbole absolu et sacré de l’amitié franco-russe) Nous, amis ! »

    Avec ça, normalement, ils te laissent repartir en te souhaitant chaleureusement bonne route et après t’avoir pris en photo pour prouver à leurs potes et leurs copines qu’ils ont arrêté un drôle de français un peu dingue. Et même si ta bécane veut pas redémarrer, ils t’aident…
    En tout cas nous, nos Oural pourris, les flics les ont poussé !

    Allez, à la prochaine, bonne route.

    Paka moï brat !

    Komar

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