La route d’hiver ; quatrième jour

Ce matin, lever à cinq heure trente, il fait déjà jour. Il n’y a rien à fêter, Yura a  juste décidé de démarrer tôt. Il fait moins quinze ; sur la neige bien dure ce sera moins compliqué de gérer le Kamaz. Yura a préparé ses vitamines, dans un bol en inox : il a émietté un paquet de clopes puis, minutieusement, il y a incorporé de l’huile ; pas celle pour la salade, ni celle pour les embiellages, non, celle des hippies qui fait pousser des fleurs dans les cheveux…

Ensuite, deuxième préparation, il a mixé de la gnole à quatre vingt dix avec de l’eau et du morse. Le morse, ce n’est pas le gros phoque avec des dents écartées comme celles de Vanessa Paradis, c’est juste une espèce de grenadine…Enfin, pour les bières, le pack est juste à côté, bien à sa place à portée de main. Une fois qu’il a vérifié ces trois points essentiels, on peut attaquer la route tranquille.Il y a quelques passages à gué, Yura va toujours jeter un coup d’œil et casser la glace de l’autre côté pour éviter d’avoir une marche verglacée trop haute à franchir en sortant de l’eau…

Quand on voit un oiseau, il  me propose systématiquement de le dégommer. Je lui explique que ne suis pas vraiment un grand tireur, alors il décide de m’entrainer un peu… il pose une canette sur un tas de neige sans même sortir du camion puis s’arrête cent mètres plus loin pour l’entrainement.
Je ne suis pas vraiment doué avec les gros calibres, alors il va me montrer, mais à part claquer dans les troncs de mélèzes, ses balles n’atteignent pas mieux la bouteille… alors on arrête aussi sec  la séance de tir et on repart. Au moins il aura servi le fusil. On avait aussi amené des skis rustiques en planche, des cannes à pèche et le machin pour les trous dans la glace et puis une tronçonneuse avec une lame de secours ; il faut tout prévoir sur cette route, une simple tempête de neige et on reste bloqué une semaine de plus.

La bouteille restera plantée là, une de plus après les innombrables que Yura sème au bord de la piste, mais celle-là, rescapée de fusillade, elle restera fièrement plantée jusqu’au dégel.
On trace aujourd’hui ; parfois on dépasse le quinze à l’heure, à cette vitesse vertigineuse, on risque de louper Omolon, surtout qu’il paraît que c’est tout petit.

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