Au kafé, le midi, je m’installe toujours à la même table avec mon bouquin ou mon carnet de croquis. Les clients s’installent rarement, ils viennent surtout s’acheter un petit plat à emporter. L’autre kafé est plus chic, il fait plutôt resto, et quand on se la pète resto, il n’y a pas de vitrine où l’on peut choisir son plat, il y a un menu auquel je ne comprends rien. Alors pour ne pas prendre de risques, j’ai pris mes quartiers à l’autre troquet. Il y a deux jeunes filles qui se relayent à la caisse . Une des deux est plutôt jolie, du genre blonde boudeuse. Quand c’est elle qui est au service, il y a toujours son mec, attablé pas loin qui surveille d’un regard sombre , quand il n’est pas absorbé par son téléphone…
Alors que je faisais ma routinière petite balade d’après-midi en explorant un autre quartier, j’ai croisé Marat qui me cherchait avec sa djipe Uaz de service. Mes bagages étaient arrivés… Dans le trio de conducteurs de Trikols, il y avait celui qui m’avait embarqué quelques jours plus tôt. Il s’est bien foutu de ma gueule en me demandant comment j’imaginais pouvoir rouler au Chukotka avec des pneus aussi petits… Évidemment, sur sa bagnole, ils font un mètre de large. J’ai bien tenté de lui demander si on ne pouvait pas monter une opération de secours avec sa super machine… Mais il m’a fait comprendre que , de toute façon, il fallait attendre le bulldozer, alors que ça ne changerait rien… Il doit être bien vautré, le camion. J’espère que ma pauvre bécane a tenu le choc. Je vais encore passer quelques jours ici à Egvekinot, où il va falloir commencer à chercher une petite cabane confortable pour la moto… Après deux ans confinée à l’entrée du Chukotka, elle va rempiler à la sortie…