Etrange de s’arrêter à Irkutsk sans aller saluer personne… mais c’est une escale rapide et imprévue, juste le temps de changer d’avion. De survoler le Baïkal, de se souvenir des gens d’ici, Tatiana, Viktor, la famille d’Alexeï, les essais sur le lac gelé…
A Moscou, entre deux vols, je vais prendre le temps d’aller visiter Vitali… on s’était loupé à l’aller ; là on s’est pris un solide rendez-vous…
Vitali habite une vraie maison en périphérie campagnarde, remarquable occasion de pouvoir m’offrir une première dose de récupération de décalage. Il y a au moins ce petit avantage avec ces sauts de puce ; à chaque fois, je gagne deux ou trois heures, ça évite les récupérations interminables causées par les survols trop longs.
Chez Vitali, on sort de la ville soviétique. Finies les barres d’immeubles avec ce chauffage collectif qui oblige toujours à ouvrir les fenêtres, même quand il fait moins trente dehors. Le monde est mal foutu, quand on a commencé à construire ces immondes immeubles qui tapissent l’ancienne Union Soviétique, c’était un progrès social immense. Tout le monde allait pouvoir accéder au confort moderne : des salles de bains avec baignoire, de l’eau chaude et du chauffage pour tous. Finies les corvées pour aller chercher de l’eau et du bois pour alimenter le poêle central qui finissait immanquablement par foutre le feu à tout le quartier.
Rien n’a changé dans ces immeubles. On a souvent repeint l’extérieur mais dès qu’on y rentre, une fois passé le double sas surchauffé, ce n’est que béton suintant, boîte aux lettres défoncées, tuyauteries rafistolées mais par contre, qu’est-ce qui y fait chaud.
Le chauffage urbain n’apporte pas vraiment de touche pittoresque aux bourgades de la grande Russie, mais son efficacité est redoutable.
Après la période soviétique, presque rien n’a changé ; on paye un abonnement en fonction de la taille de son logement, mais les radiateurs peuvent chauffer jusqu’au rouge, c’est le même prix… de toute façon, les robinets en disparu depuis longtemps des gros radiateurs en fonte et le thermostat est un concept décadent . Ici on montre ses muscles, et si on a trop chaud, on ouvre la fenêtre. Quant au bilan carbone, au réchauffement à toutes ces préoccupations d’occidental dégénéré, on en a cure. Quand le niveau de la mer sera monté de quelques mètres et que le pourtour méditerranéen ne sera plus qu’un désert de dunes, un grand erg à perte de vue, la toundra sera devenue le grenier à blé de la planète. C’est un point de vue.. encore faudra-il voir quelles surprises nous réservera la fonte du permafrost…