Le lendemain matin, debout 7h30. Après une rapide collation, le filles plient les tentes et rangent le campement. Les hommes en profitent pour contrôler les motos : Niveaux d’huile, pression des pneus, état des fixations des valises et des soudures du cadre misent à rude épreuve sur la tôle ondulée (Voir la vidéo).
Mais où est Deluun ? Où est Bayan Enger ?
Après discussion, il faut se rendre à l’évidence, nous sommes perdus !
Que faire ? Continuer ou Faire demi-tour ?
Le soleil darde ses rayons. La sueur coule sous nos casques brûlant. La chaleur nous écrase. Nous avons presque épuisé nos réserves d’eau et de nourriture.
Par mesure de sécurité, nous décidons alors de rebrousser chemin.
Trois heures plus tard, Michel chute à nouveau, heureusement sans gravité. Nous l’aidons à relever sa machine.
« Oh, regardez à gauche ! s’écrie Monique,
– Qu’y-a-t-il ? réplique tout le monde.
– Regardez, une maison, là-bas ! »
Niché au pied d’une colline, nous distinguons en effet un minuscule hameau.
Michel décide de rester sur la piste pendant que Max et moi prenons la direction de ces habitations pour nous ravitailler.
Nous arrivons devant quelques maisons prolongées par leurs étables et protégées par une barrière faite de crêpes de bouses de yak séchées.
Des maisons simples aux formes carrées blanchies à la chaux qui rappellent les habitations du désert marocains faites de pierres et au toit bas et plat.
Au son de nos motos, deux jeunes mongoles viennent à notre rencontre et après les salutations d’usage, nous invitent à rentrer chez eux.
C’est par une petite porte étroite et basse surmontée d’un fenestron que nous pénétrons dans la pièce à vivre.
La maîtresse de maison nous accueille entourée par son deuxième fils et sa fille.
Nous nous asseyons autour d’une table basse chargée d’assiettes remplies de gâteaux, biscuits secs et bonbons.
Là encore, l’hospitalité mongole n’est pas une légende.
Tout en savourant notre thé au lait salé et en dégustant les biscuits maison, nous avons tout loisir de découvrir un intérieur mongol sédentaire.
Au sol, un simple gerflex. Au centre de la pièce trône le poêle traditionnel fonctionnant à la bouse de Yak séchée. De simples étagères creusées à même les murs contiennent toutes les richesses de la famille. Un rideau sépare la pièce principale d’une chambre. Deux petites ouvertures éclairent l’intérieur frais l’été et chaud l’hiver.
Seuls la parabole, un panneau solaire pour l’électricité et la moto garée devant, nous rappellent le 21ème siècle.
La maman nous montre fièrement un tableau contenant les photos de sa famille.
Pendant ce temps, l’un des fils remplit nos outres d’eau potable. HongThinh, partie dans la maison voisine fait l’acquisition de fromages et de lait de chèvre.
Avant de partir, nous demandons :
« Où sommes-nous ? en dépliant la carte.
– Deluun, répond-il
– Deluun ? dis-je surpris.
– Yes, yes en nous montrant un point sur la carte.
En fait, nous étions cinquante kilomètres plus au sud que nous pensions !
– Mais pour aller à Khovd ? je montre la ville sur la carte.
Le jeune homme nous fait comprendre que la piste pour aller à Khovd ne passe pas par Bayan Enger mais par Tolbo !
Nous voilà repartis à la case départ…
Touchés par leur accueil, nous glisserons discrètement quelques billets sur la table.
Nous enfourchons nos motos. Pas facile de faire demi-tour dans un champ de pierres avec nos machines surchargées.
Max perd l’équilibre et chute lourdement sur le côté. Le temps d’intervenir, les jeunes mongols accourent et l’aident à se relever.
Max me rejoint.
– Tout va bien Max ?
– Oui tout va bien, allons rejoindre Michel et Maryse.
Cinq minutes plus tard, le groupe reformé et désaltéré repart vers Tolbo.
Arrivés sur place, nous cherchons un change.
Une jeune mongole nous entraine dans l’arrière boutique d’une épicerie pour échanger nos euros contre des tugriks.
Nous en profitons pour faire quelques courses mais les rayons sont surtout chargés de bonbons, sucreries et produits divers lyophilisés. Nous repartons avec de l’eau, des biscuits, des Mars, des boites de sardines et du pain blanc.
Le plein d’essence fait, nous reprenons la piste tant redoutée.
Tôle ondulée, graviers, cailloux, piste défoncée, sable mou sont encore notre menu du jour. Notre vitesse voisine entre 10 et 30 km/h.
La piste monte, descend et serpente entre les montagnes au sommets enneigés.
Des chevaux sauvages traversent tranquillement un névé en contre-bas. Leurs robes luisent sous les rayons d’un soleil reflétés par la blancheur de la neige.
Vingt kilomètres plus loin : horreur, un torrent barre notre route !
Les trois motos s’arrêtent. Tout le monde descend.
Impossible de contourner cet obstacle. Quelque soit l’endroit ou notre regard se porte : De l’eau, de l’eau, de l’eau… Aucun passage pour traverser.
L’heure tourne, le soleil va commencer à décliner.
N’ayant aucune autre solution, soudain Max crie « Et merde, j’y vais ! »
– Les filles, venez m’assurer dit-il en s’élançant dans le gué à une allure d’escargot.
Ni une ni deux, les trois filles se retrouvent au milieu, de l’eau jusqu’aux genoux, entourant Max pour l’aider à garder l’équilibre.
Au début tout se passe bien, le passage ne paraît pas profond et le courant pas très fort.
Soudain, la moto s’enfonce dans un trou jusqu’aux cylindres.
Max a du mal à retenir sa machine qui glisse sur une pente recouverte de galets.
Maintenant, lui aussi a les pieds dans l’eau gelée.
On tire, on pousse, on retient… Soudain, quelques coups d’accélérateur salvateurs l’éjecte de l’ornière. Les filles, surprises par cette accélération inattendue, se retrouvent déséquilibrées éclaboussées et manquent de peu un joli plongeon.
Max a rejoint l’autre rive.
Premier challenge réussi, plus que deux motos à faire passer.
Les bottes remplies d’eau, le jean mouillé jusqu’aux genoux, les filles assurent courageusement le passage des deux autres motos avec succès.
Après avoir fièrement passé ce gué, il est temps de se remettre au sec !
Assises par terre, les filles enlèvent bottes, chaussettes et jean avant que j’ai le temps de leur dire :
« Les filles, si j’étais vous, je ne me changerai pas. Il pourrait y avoir d’autres gués à passer »
Les nanas frigorifiées et l’air déconfit répondent en cœur : « Tu crois ? »
A cet instant, un 4×4 autrichien s’arrête admiratif de notre roadtrip et nous prévient qu’il y a encore deux gués à passer !
Dépités, à quoi bon se changer, nous prenons notre courage à deux mains, enfourchons nos motos les pieds et vêtements trempés.
Sur cette piste, les camions et voitures surchargées croisées, franchissent avec facilité tous les obstacles, nous laissant songeurs… Quelques fois, quatre roues à du bon.
La fatigue, le froid et la faim nous gagnent. C’est un peu angoissés que nous nous dirigeons inexorablement vers le deuxième gué cinq kilomètres plus loin, nous bivouaquerons après.
Au détour d’un virage, surprise voici le deuxième gué.
Michel s’exclame : « ça un gué ? »
– Pourquoi ? lui répond Max.
– Y a presque pas d’eau !
Nos roues franchissent gaiement ce petit torrent coupant la piste et allant se perdre dans la vallée.
Quelques kilomètres plus loin une grande plaine bordée de montagne nous invite à planter nos tentes au cœur d’un paysage magique.
Michel et moi allons chercher de l’eau au torrent pendant que Max et les filles s’affairent au montage du campement.
De retour, Michel filtre l’eau grâce à sa pompe Katadyn Vario.
Maryse fabrique un étendoir pour faire sècher le linge de toute l’équipe et Max préparent le festin bien mérité du soir. Au menu : Pâtes à l’eau sur un lit de maquereaux accompagnées d’un thé ou d’un café lyophilisé et biscuits secs.
Deux enfants mongols observent de loin nos allées-venues.
Puis, le garçon âgé d’une dizaine d’année suivi par sa petite sœur courant derrière lui, descend de la colline sur son vélo près de notre campement.
Intrigués, ils nous regardent les yeux remplis de points d’interrogation.
Le gamin montre son vélo. La chaîne est bloquée et Max et moi nous n’arriverons pas à la décoincer. Le garçon prend la chaîne à pleines mains et ne cessera de la secouer jusqu’à ce qu’elle cède et retrouve sa place. Admiratifs devant tant de pugnacité, ils repartiront avec quelques bonbons et biscuits.
Après ce petit interlude, épuisés par cette journée chargée en évènements, nous nous retrouvons fatigués mais heureux autour de notre repas avant de rejoindre les bras de Morphée.
Ce deuxième jour de camping sauvage se vit comme un enchantement où l’on retrouve les vrais valeurs de la vie en parfaite communion avec la nature.
Au loin, des troupeaux de moutons, de chèvres et de yaks guidés par des bergers fantômes se rassemblent pour regagner leurs étables. Les ombres s’allongent, le soleil décline annonçant une nuit fraiche éclairée par un ciel tapissé de myriades d’étoiles.
A suivre…
Aventure magnifique, maintenant faut éditer un livre..
Merci pour vos encouragements. Il nous faut tout d’abord terminer notre récit ce qui demande un peu de pugnacité compte tenu d’un quotidien comme tout le monde assez chargé. Mais nous avons bon espoir d’arriver au bout 😉