Le side-car, cette ingénieuse invention qui mêle efficacement les inconvénients du motard et de nos amis à 4 roues ne m’a jamais attiré, étant plutôt adepte du dénigrement de ce moyen de locomotion de grand-papa. Cela-dit, motard dans l’âme et dorénavant armé de deux filles de 9 et 11 ans, il fallait de gré ou de force envisager cette option. Et, compte-tenu de mes incursions sur circuit voilà plus de 15 années, pourquoi ne pas jeter un œil sur ces véhicules en forme de sandwich SNCF qui somme toute, paraissent quand même être amusants.
Surfant sur le web au gré des sites de sides pour faire un peu connaissance avec ce milieu obscure, et le hasard faisant bien les choses, le club France Side-Car Compétition (FSCC) propose des inscriptions comme « singe isolé » pour la Side-Car Party des 13 et 14 mars, au circuit du Val de Vienne. Et hop, inscription effectuée, il ne faut pas mourir idiot ! Au passage, un grand merci à Odile, disponible présidente du FSCC qui a bien voulu m’orienter au téléphone, moi le néophyte qui ne comprend pas la différence entre un side « sortie avant » et « arrière ». Plus ignorant, tu meurs… !
Quelques jours plus tard, arrivée effective sur le circuit du Vigeant où il pleut à seau, ça commence bien : froid, pluie… Après une recherche appuyée dans le paddock, inscription, bracelets et miracle : on trouve un trou de souris pour garer le camping-car, avec une prise 220V, en arrivant bon dernier ! Finalement, les choses s’arrangent. L’après-midi, rendez-vous au box #5 pour l’instruction des apprentis-singes. On remet la combinaison pas portée depuis 15 ans (qui me va toujours !), et en avant…
Là, Jean-Michel (Beret) nous accueille et nous guide… L’équipage #63 (désolé pour les noms, j’ai encore plus mauvaise mémoire que d’aptitudes « singesques » …) prendra notre formation en compte. Combarde noire avec peinture squelette, conseils à gogo, ambiance au top, échanges sympas et détendus, tout le monde est super accessible. Bref, un milieu de passionnés, ça va le faire… Pour ne rien ôter au tableau, moi qui ne jure que par les italiennes, un superbe side Guzzi nous attend. Essai des positions, grand et pas souple, c’est difficile mais rien d’impossible. Et, la répartition pour demain arrive, 3 sessions au programme. Je roulerai avec le #63 (tant mieux, on vient de faire connaissance), le #72 et un hypothétique #21.
Tour du paddock pour me présenter à mes pilotes du lendemain. Commençons par le #72 et oh stupeur, il ne s’agit pas d’un side mais plutôt d’un greffon entre une fusée et un avion de chasse. Bon, restons calme, il faut tout essayer pour mieux appréhender cette discipline. La pression monte mais après un échange hyper sympa avec l’équipage super accessible, la confiance revient un peu… Pas de trace du #21, ou juste pas le bon #21 ! Merci Beret pour l’identification du troisième side (rouge et blanc, que nous appellerons ici #21 pour plus de facilité). Et rebelotte, encore un triangle venu de l’espace ! Là encore, équipage très accueillant, hyper accessible comme toujours et passionné comme les précédents. Retour au camping avec quelques nœuds dans le ventre tout de même mais ça ira probablement mieux demain, après une bonne nuit de sommeil.
Je commence en cette fin de soirée à mesurer l’incroyable chance qui se présente à moi d’être autorisé, avec la bénédiction des équipages, à monter sur leurs machines. Ceci pour une somme symbolique au FSCC et rien d’autre qu’un sourire et quelques échanges avec ces pilotes et singes officiels. C’est juste énorme. Il faut bien prendre conscience que c’est le seul et unique milieu que je connaisse qui permette cela, dans une telle accessibilité et simplicité. Ou plutôt devrais-je juste dire : humanité et amitié… !!!
J’avoue : grosse pression quand même. Surtout peur de mal faire et d’abimer leurs magnifiques machines. Mais oublions ça, ils sont tous vraiment top et les conseils des singes me cédant leur planche l’espace de quelques minutes, ainsi que ceux de mes pilotes d’une séance sont de véritables mines d’or, dispensés en toute simplicité. Et particulièrement rassurants. J’essaie d’apprendre vitesse grand V mais les lacunes sont encore nombreuses… Une bonne nuit (pleine de stress, de rêves et de révision des positions) et il fera jour demain…
Grand moment arrivé, il fait encore nuit, aujourd’hui c’est soleil prévu, piste sèche et baptême de singes…
Bonjour à l’équipage #63 avec qui je vais faire mes tous premiers pas. Merci au singe officiel de m’avoir rassuré et au pilote de m’avoir gentiment prêté le casque de son fils, équipé d’un intercom, qui se révèlera très utile pour me guider sur ma première planche. C’est parti après une rapide révision des positions. Vérifications bracelet, dorsale…. Et sur la piste… On part doucement, on prend les bonnes habitudes, les bons réflexes. C’est génial, j’adore. Des sensations en veux-tu en voilà, au ras de la piste, c’est bien plus impressionnant qu’un tour de moto. Peut-être l’effet découverte. Et le Guzzi envoie quand même fort ! Tout s’est bien passé malgré mon timing très approximatif pour la prise des positions. C’est juste super. Après avoir remercié une cinquantaine de fois mon équipage #63, je n’ai qu’une seule envie, y retourner de suite. Même si les bras tirent un peu (alors qu’ils ne devraient que guider, je sais… Mais quand on débute, on est inévitablement mauvais !).
Récup, verre d’eau et collation dans le camping-car avant de se diriger vers la tente du #72 pour un tour de fusée. Une petite inversion imprévue dans la répartition des apprentis-singes me fait alors face : un jeune découvrant également la discipline est en plein briefing avec l’équipage. Que se passe-t-il ? Une inversion imprévue… Après m’en avoir informé, le pilote du #72 jaugeant ma déception me propose de m’emmener sur une session « normale » l’après-midi. C’est incroyable, l’ouverture et la disponibilité de ces side-caristes me renverse. Je ne me fais pas prier, je reste dans le coin, regarde la session du jeune et reviens convenir qu’il m’emmènera sur la session « mix » en début d’après-midi. Merci mille fois… !
Retour vers le side #72 après un rapide déjeuner. Je sens que ça va envoyer du lourd et franchement, je suis encore très loin de la réalité. C’est parti, même conditions d’accès à la piste que ce matin. Et là, premier tour cool et ensuite, un truc de fou, et je pèse mes mots. Ça envoie très très fort, sans jamais s’essouffler, dans un bruit de 4 cylindres prenant beaucoup trop de tours !
C’est terrible, j’ai du mal, beaucoup de mal à rester sur la planche et ne pas me faire larguer comme un vulgaire fétu de paille sur le bitume de la piste. Je fais tout mon possible pour aider mon pilote au mieux dans les virages, je sais que mon travail est important, même si je suis avec un pilote de haut niveau qui est bien conscient de mes lacunes. Et ses indéfectibles petits coups d’œil à gauche pour vérifier mon placement avant tous les gauches me le prouvent et quelque part, me rassurent…
Cette session de 20 minutes me paraît durer toute une journée… Mais les sensations sont incroyables : je suis balloté dans le coffre d’une formule 1. Du moins, c’est l’impression que ça donne ! Puis c’est le drapeau rouge signalant la fin de la séance. Je suis au bout de ma vie. Liquidé, la combinaison, le casque et les gants sont trempés, mais on peut voir mon sourire et ma mine réjouie à travers la coque de mon casque. Je n’ai jamais ressenti de telles sensations de toute ma vie, quelles que soient les motos que j’ai pilotées (conduit), leur puissance et tout ce qui ait pu m’impressionner : parachutisme, parapente, voiture de courses, rallye… !!!
Je ne serai probablement jamais assez reconnaissant pour ce que m’a offert cet équipage #72. Je n’oublierai jamais ce que vous m’avez fait vivre, c’est bien plus qu’énorme, mille mercis une fois de plus. Je retombe sur terre quelques minutes après (c’est le temps qu’il m’a fallu pour redescendre du side), lorsque le pilote m’avoue qu’il n’allait pas vite. Pour lui c’est sûrement vrai, mais moi j’étais à fond. 3 km/h de plus et je m’envolai littéralement ! J’ai encore beaucoup de travail pour tenir ma place… J’apprends au fil de la conversation qu’ils participent au championnat de France Superbike (il n’y a pas de secret pour rouler aussi vite et bien) et l’on se reverra sûrement sur la manche au Mans dans 15 jours…
Récupération dans le camping-car une fois de plus. Je suis vidé, mes jambes sont cuites et mes bras incapables de bouger ou de soulever quelque chose. La troisième session s’annonce sous les meilleurs hospices ! Une heure et demi plus tard, je me dirige vers la tente de l’équipage #21.
Ils sont là, ils m’attendent. Je m’empresse de négocier une séance cool, me justifiant par mon état physique qui commençait à se dégrader et qu’il ne fallait pas prendre de risques. On est parti. Ce side #21 envoie également du lourd avec son moteur de R1. Mais le pilote reste sympa et me permet de travailler mes prétentions de pass’. J’ai juste un peu peur quand il s’arrête dans la voie des stands. Quelle bêtise ai-je faite ? Qu’est-ce qui ne va pas ?
C’est juste pour me conseiller sur mes positions. Ouf, merci pour ces précisions, on peut repartir… Fin de séance, plus de bras, encore rincé. Je ne me sens même plus capable de tourner le volant pour ramener le camping-car ce soir. Ça va être beau !
Fin de journée, des étoiles plein les yeux. Alors je vais encore tous vous remercier de m’avoir fait vivre un weekend hors du commun et en tous points formidable. Merci à Odile, au FSCC, à Béret, Tartine, Jackie, aux équipages #63, #72 et pseudo #21 et toutes les personnes avec qui j’ai eu l’honneur et le plaisir d’échanger durant cette Side-Car Party…
Il est maintenant temps de conclure, en espérant vous avoir fait revivre avec moi ces deux jours de folie. Je ne peux que conseiller aux personnes intéressés d’essayer ces OVNI, c’est juste génial !
Et surtout, si un pilote recherche un apprenti-singe, certes très motivé mais encore mal dégrossi, je suis partant… Voilà trois jours que j’ai quitté le Vigeant et je ne pense qu’à recommencer, malgré les courbatures encore présentes qui m’empêchent toujours de marcher normalement. Une seule question : comment ai-je pu vivre sans avant… ?
Je suis baptisé singe de compet’, à bientôt…
Arnaud ROLLAND.