Est-ce un pont, trois jours fériés ? Je ne sais pas trop.En tout cas, tout est au ralenti ; il n’y a même plus de pain dans les magasins. C’est mon dernier jour, lui aussi au ralenti, car depuis hier, je le sais, la moto est arrivée .J’ai bizarrement appris la nouvelle par Anastasia, depuis Montpellier. Il faut dire qu’avec ses innombrables connexions dans cet extrême nord-est de la Russie, elle arrive à tout savoir. Taras, son contact à Egvekinot est, en plus, conducteur de camion ; je ne l’ai toujours pas rencontré, mais il est au courant de tout.
J’ai donc sillonné à nouveau les périphéries de parking à containers et tout au bout de la ville, près de l’entrée du pont, garé en haut d’un chemin défoncé, il y avait, couvert de boue, mon camion…
Mais dessus, pas de moto. Elle avait carrément été remplacée par un autre camion. Un camion sur un camion, ça promet dans les congères ; mais ce n’est plus mon histoire.
Me voilà avec une nouvelle énigme à résoudre… Je cherche tout autour, je flaire partout, il n y’a personne…
Je pars expliquer l’affaire à Marat, en congé lui aussi, et j’envoie un message à Anastasia.
La moto est bien rangée quelque part, mais je dois attendre la fin du pont de trois jours pour vérifier dans quel état et discuter du prix du transport, si jamais il y a de la casse.
En attendant ce fameux lendemain de réactivation, je me refais une journée studieuse, je commence à ranger un peu, me prépare à sortir de ma léthargie, comme ces ours dont on me parle tout le temps et que je ne vois jamais.
J’essaye d’appâter les grands corbeaux noirs dont j’observe les conversations par la fenêtre. C’est toujours assez déstabilisant, les changements de mode inopinée. Mais pour une fois que j’ai une journée de préparation mentale, je devrais être au comble de l’extase…