Romance Tchoutche


ptiluc1

Récupérer du décalage horaire par petites étapes, finalement, ce n’est pas un si mauvais système, même si un hôtel standardisé d’aéroport, ce n’est pas ce qu’il y a de plus glamour pour une immersion progressive.

J’ai presque une journée à perdre mais c’est un peu court pour rendre quelques visites… Alors, je passe la matinée à recharger mes batteries passablement ramollies par la journée de la veille. Les escales aéroportuaires sont une drôle de façon de traverser un pays sans rien voir sinon de tristes périphéries.

Hier soir, j’ai déposé mon premier petit colis, c’était la mission du jour… Et le lendemain, celle qui l’avait attendu quelques heures de l’autre côté des barrières administratives m’a envoyé un taxi pour que je change un peu d’air ; celui aseptisé des aéroports, si on peut le fuir quelques heures, il ne faut pas hésiter.

Par la fenêtre, je redécouvre cette périphérie typiquement russe où les forêts de bouleaux et les datchas de bois sont petit à petit mangées par les immeubles modernes et les zones d’acticités, les entrepôts et les centres commerciaux.

J’ai donc retrouvé Aïnana dans le marché couvert d’une petite ville à quelques kilomètres de l’aéroport.

Son histoire est terriblement romanesque. Son papa était venu au Tchoukotka du temps de l’Union Soviétique pour une mission scientifique, il tomba sous le charme de Zoïa et ainsi , quelques mois plus tard, naquit Aïnana. Mais à la fin de sa mission, il retourna vers les pays Baltes et après la fin de l’Union Soviétique, avec ces pays-là redevenus indépendants, il n’a jamais pu revenir chez les Tchoutches.

Quelques années plus tard, Charles, professeur de Russe à Perpignan, décida après avoir pris sa retraite, d’aller découvrir les peuples autochtones des provinces polaires. A son tour, il tomba sous le charme irrésistible de Zoïa et devint le beau père d’Aïnana.

Ensemble ils partirent en croisade pour la reconnaissance de la langue Tchoutche, ce qui ne plu pas à tout le monde… alors, Charles, lui aussi, rentra chez lui quant à Aïnana, elle continua avec fougue ce combat qui l’amena jusque dans les hautes sphères du pouvoir, au niveau du premier cercle où sa fougue tempétueuse séduit d’abord puis gêna ensuite.

C’est avec cette fougue-là qu’elle me raconte tout ça …elle n’en manque pas; ce n’est pas un gringalette, Aïnana, plutôt du genre que si elle te fout une beigne, tu retrouves ta tête dans les pastèques. Puis elle me raconte des légendes de là-bas, de jolies histoires de baleines et de pêcheurs, mais le temps passe, l’heure tourne et celle de mon vol suivant approche. Alors, je saute à nouveau dans un taxi pour l’étape suivante, un vol de nuit de presque huit heures, un de ces vols vers le soleil levant qui font que quand tu arrives, la nuit a disparu.

Avec ce genre de vol, il faut trois jours pour récupérer…ça tombe bien, il y a trois jours avant mon prochain vol…