Saint Philippe plus fort que saint Christophe
Alors que les pouvoirs publics finissaient par lâcher que 60 % des radars avaient été neutralisés depuis décembre et que les excès de vitesse (quand même enregistrés par les boîtes grises… les « gilets jaunes » éteignent les flashs, la Sécurité routière allume des cierges) étaient en augmentation, voilà que notre Premier ministre sort de son chapeau le 80 km/h pour justifier une baisse du nombre de morts sur les routes en 2018. Une baisse historique : moins 5,5 %.
On se réjouit de ce bon résultat d’autant que les motards paient un lourd tribut lors des accidents, à cause de leur vulnérabilité, des infrastructures inadaptées ou mal entretenues, de l’usage du téléphone portable au volant. Mais les voix du seigneur sont impénétrables, car on ne sait bien sûr pas sur quels types de routes ces vies ont été épargnées. Voies à 110 km/h intégrées au panel, zones où structurellement on ne peut atteindre le 80 (montagne) ? Par ailleurs, les chiffres, si l’on ne peut évidemment les qualifier de faux (les communicants connaissent leur métier !), sont mesurés en prenant des repères favorables à leur interprétation : bilans d’une année comparés à ceux des cinq dernières, flou sur la prise en compte ou pas des décès à un mois à l’hôpital, etc. (lire nos actus p. 12).
Mauvais coup du sort pour Édouard Philippe, si l’on peut dire, la mortalité des autres usagers diminue aussi. Le verra-t-on bientôt tel Argan dans Le Malade imaginaire s’écrier : « Moins 1,9 % chez les piétons, le 80 ! Moins 3,5 % chez les cyclistes, le 80. Moins 5,9 % chez les camionneurs, le 80. Moins 4 % chez les motards ». Qui – on l’entend si souvent – ne respectent pas la vitesse… On compte sur l’Observatoire du 80, dont fait partie la FFMC, pour démystifier cette mythification. Pour l’heure, on est tout simplement très énervés par la manœuvre…
Jean-Pierre Théodore, rédacteur en chef