Bonjour copain (et copine),
Il y a quelques mois de cela j’ai eu le plaisir d’aller passer trois jours, pour la première fois, à Venise …
Je ne connaissais pas et j’étais bien convaincu que pendant quelques heures j’allais effectivement arrêter de penser motocyclettes / bikers toutes les dix minutes … naïf que j’étais !
C’est certain, Venise n’est pas vraiment l’endroit où tu croiseras un deux-roues motorisé … même sans moteur … une simple bicyclette … interdite, carrément (compte tenu du monde, c’est plutôt une sage mesure)
Seule motocyclette visible à Venise … Et désolé tu n’échapperas pas à la photo « cliché » …
Bon …
Tout comme j’ignorais que même si la température peut être clémente en hiver, la ville dans certains quartiers est inondée, selon l’heure, au rythme des marées …
Aucune importance, les marchands du temple locaux te proposent l’équipement adéquat, ce qu’il faut pour te sauver des eaux et cheminer à sec (la solution s’achète 10 à 15 euros à marée haute, 5 à 8 euros à marée basse : c’est ce que l’on nomme la fluctuation du marché …)
J’ai donc assuré comme une bête ; je m’a acheté lézékipemen adéquat !!!
Note le choix judicieux et l’harmonie des couleurs … orange et noir !!!
Hahahahahahaha, je la vois la flamme de la convoitise dans ton regard … non … je ne te les prêterai pas mes sur-bottes vénitiennes, takat’en acheter une paire …
Et bien évidemment, pendant que tu fais l’envieux pas beau tout ébloui par mes accessoires dernier cri toi tu n’as rien vu …
… t’as pô remarqué l’affiche au mur derrière moi … et bin wouai !
Regarde bien … les pieds dans l’eau au cœur de la cité des Doges te voici nez à mur avec le monde biker … le crois-tu ça mon Titi ?
L’exposition RESONANCE présentait une partie de l’œuvre du photographe IRVING PENN (1917 – 2009) …
… 130 chefs-d’œuvre du photographe américain (1917-2009), acquis et montrés jusqu’en fin d’année (2014) par la Fondation Pinault. Ça méritait vraiment (si tu passais par Venise évidement), un détour par le Palazzo Grassi
Occasion quasi unique de voir pareils trésors, détenus dans le cadre d’une collection privée, lorsqu’ils sortent de leurs cartons. En général, on a la chance de ne les voir qu’une fois dans sa vie !
Jusqu’au 31 décembre dernier (je crois qu’elle a été prolongée en janvier) au Palazzo Grassi (Fondation François Pinault – mais si tu sais, celle que l’administration française a été infoutue de permettre qu’elle s’installe en France sur l’île Seguin)
(c’est bien, on ne me reconnait pas ici)
L’exposition présentait donc 130 photographies, de la fin des années 1940 au milieu des années 1980, au deuxième étage du Palazzo. Elle réunit 83 tirages au platine, 29 tirages argentiques, 5 tirages dye-transfer aux couleurs éclatantes ainsi que 17 internégatifs encore jamais montrés. Magnifique !
L’exposition parcourt les grands thèmes chers à Irving PENN, qui, au-delà de la diversité apparente de leurs sujets, ont tous en commun de saisir l’éphémère dans toutes ses facettes
Ainsi en est-il de la sélection de photographies de la série des « petits métiers » réalisée en France, aux États-Unis et en Angleterre dans les années 1950
Pompier, Paris, 1950
Deep Sea Diver, NYC, 1951
Sewer Cleaner, New York, 1951
Fishmonger, Londres, 1950
Et le fameux Motorcycle policeman, NYC, 1951 qui ressemble tant à un mussoliniste des années 30 …
De même, les portraits des célébrités du monde de la peinture, du cinéma et de la littérature des années 1950 à 1970, qui côtoient les clichés ethnographiques des habitants de la République du Dahomey, des aborigènes de Nouvelle Guinée et des hommes du Maroc, mettent en exergue avec force la brièveté de l’existence, qu’elle soit nantie ou démunie, célèbre ou inconnue (Oulalalala, comme c’est bien dit ça dis donc, hein, n’est-il pas ??!!!)
Capote
Duchamp
Picasso
Chez Penn, la modernité ne s’oppose pas nécessairement au passé, le contrôle absolu de chaque étape de la photographie, du studio au tirage (auquel il consacre une importance et un soin sans équivalent) lui permet d’approcher la vérité des choses et des êtres, dans un questionnement permanent sur le sens du temps et sur celui de la vie et sa fragilité
Ce qui forcément nous amène … aux HELLS ANGELS. Logique, non ?
Bonjour l’enchainement là … un peu brutal je le reconnais
Bon, aller, on reprend au début.
Quel rapport peut-il bien y avoir entre Penn et la Red n’ White machine ? Surtout que, même si Penn est aujourd’hui reconnu comme un artiste d’envergure international, il a beaucoup travaillé pour VOGUE, un univers éloigné au possible s’il en est du monde des bikers américains …
C’est dans son livre Worlds in a Small Room /as an ambulant studio photographer, publié en 1974, que l’on trouve la réponse à cette improbable rencontre
En fait, Penn a beaucoup travaillé sur la notion de tribu …… de clan,…de sous-culture (cette appellation n’étant absolument pas péjorative) dans les sociétés, au Népal, Nouvelle Guinée, Afrique, etc. et bien évidement aux USA …
Big Brother and the Holding Company and the Grateful Dead
… où en 1967 il va convier des représentants des Hells Angels de San-Francisco à une séance photo …
Il parle justement dans ce livre de ce travail particulier …
Hippies, rockers, bikers, … des tribus américaines de cette fin des sixties … qui effraient (menacent ?) l’Amérique …
Voici une traduc’ home made by myself, non official de ce que l’on peut lire dans le livre de Penn sur sa rencontre avec les HA :
En 1967, San Francisco bruissait d’une sorte d’agitation nouvelle – de nouveaux modes de vie qui étaient exotiques, même pour la Californie faisaient leur apparition. Les gens parlaient d’un nouveau type de jeunes appelés hippies, et d’une zone où ils avaient commencé à se rassembler dénommée Haight-Ashbury. Ils semblaient avoir trouvé une nouvelle vie satisfaisante pour eux-mêmes en laissant de côté la société dans laquelle ils étaient nés, créant la leur propre. Il était question de drogue, de vie communautaire, et de sexe en groupe. Il y avait un nouveau genre de musique, de nouveaux musiciens, accompagné d’une nouvelle forme de prestation visuelle, des shows avec des spectacles de lumière
Ces premiers hippies étaient des créatures douces, très différentes de cet autre groupe également basé dans la région de la baie de San-Francisco, les Hells Angels. Ces rudes motards n’étaient pas tout à fait nouveaux sur la scène – il y avait déjà eu des films inspirés par eux, et de nombreux jeunes dans tout le pays idéalisaient leur mode de vie-outlaw, libre, violent. Ils étaient les «out» qui ont trouvé la force en se regroupant
L’envie a grandi en moi d’examiner les visages de ces nouvelles personnes à San Francisco à travers la lentille d’un appareil photo, à la lumière d’un studio, sur un fond simple, loin de leurs propres vies quotidiennes. J’ai suggéré aux éditeurs du magazine Look qu’ils devraient s’intéresser à un tel sujet. Ils ont immédiatement accepté. Leur journaliste des tendances sur la côte Ouest, George Leonard, avait déjà écrit une histoire à propos de ces nouveaux modes de vie. J’ai rencontré Leonard, notre collaboration a été immédiate et sympathique. Notre idée était que le seul texte qui accompagnerait les photos serait la stricte reprise des paroles prononcées par les personnes qui seraient photographiées
(tu peux voir ici une reprise du texte de l’article publié à l’époque sur les Hells Angels dans Look : http://selvedgeyard.com/2011/01/20/from-hells-angels-to-hitchcock-irving-penn-shot-them-all/ )
HELLS ANGELS (SAN FRANCISCO), 1967
En 2008, ce tirage (numéroté 27/50) se vendait 27.500$, chez Christies à NYC au Rockefeller Center Plaza
J’ai alors loué un vaste espace au deuxième étage d’un bâtiment à Sausalito dont la structure était assez solide pour supporter les lourds engins des Hells Angels. Il y avait un monte-charge pour les motos. L’exposition était orientée plein nord, comme je le souhaitais
Choisir des individus /sujets parmi les hippies a donné lieu à des conversations sans fin. A l’opposé, les Hells Angels eux ont rapidement accepté de venir – tout simplement pour une bonne rémunération. Ce fût plus rapide et plus facile. Nous nous sommes rencontrés un jour à midi dans un parc et l’affaire a été faite
Au cours de la séance de photos les hippies et les groupes de rock m’ont surpris par leur degré de concentration. Leurs yeux sont restés rivés sur l’objectif de la caméra ; ils étaient patients et doux. La « coolitude » typique que je redoutais de ce nouveau genre de personnes n’a finalement pas été un problème du tout
Avec les Anges ç’a été autre chose. Ils étaient comme des ressorts tendus prêts à dépoter et à faire mal. Être enfermés à l’intérieur d’un bâtiment avec leurs précieuses motos (avec femmes et enfants, que je leur avais demandé d’amener) frustrait leur tendance naturelle à mettre la pagaille. Les retards et les provocations étaient sans fin. Pourtant, l’objectif hypnotique de la caméra et le confinement de l’atelier les ont tenus en échec assez longtemps pour que les photos soient finalement faites. Lorsque la séance fût terminée et que leurs motos hurlantes descendirent la route, je laissais échapper un profond soupir
HELLS ANGEL (DOUG), SAN FRANCISCO, 1967
En 2010,chez Phillips à NYC ce tirage (numéroté 20/ 40) était estimé entre 25.000 et 35.000$
J’ai adoré voir cette exposition … par hasard … découvrir cet artiste dont je ne connaissais que ces deux fameuses photos des Anges de Frisco en 67 … j’ai fait des recherches sur ces bikers, j’aurais aimé découvrir qui ils étaient, à quel Chapitre ils appartenaient, ce qu’ils était devenus … je n’ai rien trouvé. Si tu as des infos, penses à me les transmettre mon pioupiou, d’avance merci
Quand je te dis que la moto ça nous mène à tout : à destination et à la culture Hummmm, c’est bon d’être un biker à Venise !
Aller, la Bise.
L’Hervé, your Berrichon friend
Et si tu veux voir DAYTONA, un clic ici : tinyurl.com/Daytona002