FROID, MOI ? JAMAIS…
La moto est un redoutable accélérateur de sensations.
Quiconque a, un jour posé ses fesses sur un de ces engins, ne pourra qu’en convenir.
Odeurs, prises d’angle, vibrations, vitesse, inconfort, liberté, ivresse, plaisir, peur, tous ces sentiments ou sensations sont multipliées dès qu’on roule en moto. Qu’elles soient bonnes ou non.
Des journées comme aujourd’hui, par exemple, sont de celles qui peuvent nous faire nous demander, POURQUOI nous aimons la moto ?
Reprenons le fil.
1er constat : la météo est à 50 % dans le vrai. Ce matin il pleut. Une pluie fine mais qu’on sent appelée à durer.
Pendant que les groupes partent vers les cols les uns après les autres, nous les mauves décidons d’attendre l’ouverture des magasins de sport de Corvara in Badia, afin de trouver une remplaçante à ma défunte veste de pluie, partie, grâce à un vent taquin, voguer sous d’autres cieux. Rien qui fasse l’affaire.
Le patron de l’hôtel, nous a dit que dans un village à 35 km, nous devrions trouver notre bonheur. Ca tombe bien, il est justement sur l’itinéraire.
Après avoir franchi une paire de cols, nous y parvenons sous une pluie qui est devenue battante. Ca devient l’enfer, l’eau s’engouffre partout, et avec la température qui décroit progressivement, le moral des troupes commence à en prendre un sacré coup.
Et ça ne s’arrange pas quand un policier local nous explique dans un français très correct qu’il n’y a pas de magasin de moto dans le village, mais qu’il faut pousser à un peu moins de 10 km, pour espérer trouver notre bonheur.
Nous quittons donc l’itinéraire prévu, et coup de chance incroyable, trouvons du 1er coup, le concessionnaire moto en question sur une zone commerciale retirée.
©I. LEBRET/Motomagazine
Nous sommes détrempés, et nos équipements ne suffisent plus depuis longtemps à endiguer le cheminement de l’eau dans nos vêtements.
Nous dévalisons le stock d’équipements de pluie, avec une certaine chance, la patron nous disant qu’en raison de la fin de la saison de moto, il fermerait son établissement pour l’hiver d’ici quelques jours.
Avec tous ces contretemps, il y a longtemps maintenant que les autres groupes ont dû passer le col suivant.
Sous une pluie qui redouble d’intensité, nous faisons marche arrière, et réintégrons le parcours prévu (133 km ce matin).
A peine attaquons-nous les premiers virages, au cœur même encore du village, devant nous amener vers le col suivant, qu’au détour d’une maison nous croisons une machine … couverte de neige !
Moment de grande solitude du GO qui se demande s’il faut emmener son groupe affronter des conditions délicates, ou s’il convient de renoncer et de rebrousser chemin.
Quelques lacets plus loin, nous recroisons un couple d’allemands en 1200 GSA, aperçus auparavant dans la vallée, et qui redescendent en nous faisant signe qu’il ne faut pas monter.
On ne baisse pas les bras comme ça, chez nous, et je décide de continuer « pour voir ».
Les degrés descendent régulièrement au fil de notre progression, et le thermomètre commence à afficher le signal de risque de glace. Puis, les premiers flocons font leur apparition, et tout devient rapidement plus compliqué. La température passe en négatif, la neige épaisse et collant se fixe sur les visières. On commence à ne plus voir grand chose.
Les doigts engourdis par le froid commencent à répondre difficilement. Les pieds dans des bottes qui prennent l’eau nous rappellent à chaque instant combien il est douloureux de lutter contre un ennemi aussi redoutable que le froid.
Dans un ballet improvisé de coups de doigts éssuie-glace pour tenter d’y voir quelque chose, nous parvenons à rejoindre le haut du col.
©G. de CROP/Motomagazine
Les rares voitures que nous croisons ne nous ménagent pas particulièrement.
On bascule alors sur l’autre versant, et là, les données se compliquent.
L’adhérence, si elle n’est pas critique, n’en est pas moins problématique, et dorénavant il ne suffit plus de couper les gaz, comme dans la montée, pour ralentir, il faut aussi éviter qu’emportée par son poids et par l’inertie, la moto ne prenne de la vitesse et ne devienne impossible à freiner.
A chacun sa technique : en roue libre, avec un freinage continu, en première, ou en seconde en fonction de la motorisation, avec quelques freinages très doux et progressifs, les pieds par terre ou sur les repose-pieds. Tout ceci dure une éternité. Les km défilent lentement à 25 km en 1ère.
Il fait si froid que personne n’a envie d’enlever ses gants pour sortir l’appareil photo et immortaliser la scène.
Le groupe s’étire, les distances de sécurité s’allongeant dans de pareilles conditions.
Finalement, le tapis de neige s’éclaircit peu à peu, et nous finissons par retrouver l’asphalte si convoité. Le thermomètre remonte doucement, d’abord à zéro, puis en positif (4°).
Nous nous arrêtons plus loin pour faire le point. Mais comment ont fait les autres pour passer ? On a vu personne… Et rapidement on se rend compte qu’il nous en manque un.
Après un peu moins d’une demi heure, Jean Luc part à la recherche de Pascal, notre alsacien à la Super Ténéré, pour tenter de voir ce qui s’est passé.
Pour les autres, l’attente reprend. Après vingt bonnes minutes sans nouvelles de personne, je décide de monter à mon tour, et rencontre un peu plus haut Jean Luc qui revient seul sur ses pas. Il a dû renoncer à aller plus loin, car la route est devenue impraticable.
Nous décidons donc de nous poser dans la première auberge venue.
Nous la trouvons quelques centaines de mètres plus loin, et perdons dans l’affaire Gilloux et François, les deux motards de queue, qui filent sans voir que nous avons bifurqué.
Ils feront 20 km avant de corriger le tir, nous appeler, faire demi tour et venir nous rejoindre pour un repas salvateur.
Car nous n’en pouvons plus. Nous sommes transformés en éponges, ne sentons plus nos membres, et quémandons avidement un peu de chaleur pour redevenir des hommes.
Le repas s’éternise. Il fait très bon dans l’auberge, nous nous réchauffons peu à peu, et personne n’a envie de ré-enfiler gants et blousons gorgés d’eau glacée.
Et soudain, alors qu’on ne l’attend plus, Pascal, la brebis égarée, fait sa réapparition. Il nous explique que dans la descente, quasiment à l’arrêt, sa moto est tombée sur un léger freinage. Étant le dernier, personne ne s’en est rendu compte.
Dans l’incapacité de la relever tout seul, il a dû aller requérir l’aide d’un autochtone.
©I. LEBRET/Motomagazine
Il s’est ensuite perdu, a terminé dans un café où il a attendu que les sableuses passent, afin de pouvoir redescendre. En voyant nos motos, il a rejoint le groupe, ce qui d’un coup, redonne la pêche à tout le monde.
C’est pas qu’on tienne absolument à sauvegarder la faune alsacienne (on a déjà notre quota, avec Patrick), mais savoir qu’on ne laisse personne sur le carreau, c’est la philosophie générale.
On a eu le grand chef-chef-oui-chef, qui nous confirme qu’à l’heure où les autres groupes sont passés, personne n’a eu de neige. Ils ont juste attendu à l’auberge du midi que les infos de la météo confirment que le col suivant soit dégagé.
Décision du groupe : on quitte l’itinéraire calé dans le Tripy, vu l’heure très avancée, et on taille au plus court. Les gps sont programmés, et, après avoir remercié la serveuse super sympa qui a accepté avec beaucoup d’humour qu’on lui pourrisse son restaurant, nous reprenons la route, de nouveau poisseux et humides, mais réchauffés.
Et la pluie s’est enfin arrêtée !
Nous nous rendons rapidement compte, en suivant Francesco qui ouvre la route avec son gps, que l’itinéraire le plus court est le même que celui du Tripy.
Nous passons sur le coup de 17h devant l’auberge où tous les autres groupes ont déjeuné. A cette heure ci, il y a longtemps qu’ils ont détalé.
La suite du programme est un long roulage sans pluie, avec une température qui varie régulièrement. J’ai repris la tête du groupe, et quand nous attaquons le dernier col, la neige fait son retour dans le paysage.
Mais heureusement cette fois ci, elle ne tombe plus (et du coup, nous non plus…), et la route est dégagée. Merci la DDE italienne !
Nous nous retrouvons de nouveau frigorifiés. Les petits gants d’été et les chaussures pleines d’eau, ça énerve de ce temps là ! Les copains qui ont des poignées chauffantes ne se gênent pas pour bien nous énerver.
Une série de photos du groupe dans la neige, à 1884 m, et nous redescendons avec précaution vers des contrées moins hostiles.
©I. LEBRET/Motomagazine
Rien à signaler sur le reste du parcours, si ce n’est que l’ultime col se fait au sec, mais de nuit.
Curieuse sensation que celle de devoir re-rouler dans l’obscurité, après toutes ces journées passées à arriver de jour dans les hôtels d’étapes.
Il est 20h15, après plus de 170 km de roulage, quand nous garons les motos dans le parking de l’hôtel Colombo, à Teglio.
La solidarité motarde jouant à plein, c’est après une délicieuse douche chaude prolongée à l’envie, à un concert de vannes que nous sommes confrontés dès que nous mettons le pied dans la salle du restaurant.
C’est de bonne guerre, et ça contribue grandement à faire de la rando Moto Mag’ ce qu’elle est. Savoir décompresser quand les choses se compliquent, et en rire au maximum.
Fin de soirée, tranquille ou chacun explique à l’autre ce qu’il a vécu dans cette étape atypique.
Une journée définitivement « différente ».
Niouzes du jour : séparés du reste de la troupe la majeur partie de la journée, nous n’avons pu profiter de l’actu en temps réel.
Néanmoins, ce qu’on peut dire, d’après les témoignages glanés ici et là après coup, c’est que TOUT LE MONDE a souffert de l’humidité et du froid pénétrant.
Certaines passagères, ayant anticipé sur les conditions à venir, avaient fait le choix dès le départ, de passer la journée dans les camions d’assistance. Il y avait de la demande, et les places étaient chères ! Une passagère faillit d’ailleurs se trouver mal à l’arrivée du restaurant le midi, tant les conditions étaient difficiles.
L’après-midi, devant la demande grandissante, il fut décidé de louer un minibus pour que les passagères qui le désiraient, puissent laisser les motos pour gagner l’hôtel du soir. Hélas, pas de minibus dispo ! Grosse déception chez la gent féminine !
Heureusement, le patron du restaurant du midi s’est proposé d’emmener avec sa voiture personnelle, les dames concernées. 160 km X 2, beau geste de notre restaurateur, non ?
Et parcours bien plus agréable pour ces dames.
Le grand froid et l’humidité semblent avoir eu des effets terribles sur la prostate de ces messieurs, car les arrêts pipi furent bien plus nombreux que d’ordinaire.
Même le grand chef nous confia que, transi de froid comme les autres (y’a pas de passe droit pour la hiérarchie dans ces cas là), il eut toutes les peines du monde à se servir de ses doigts, incapable qu’il était d’ouvrir son pantalon.
Un peu plus et l’amputation était là, avec un chef en mode Cap’tain Crochet…
En ce jour de perturbation, plaçons sous les light show, un peu de soleil avec l’accent qui chante.
Les Schtroumpf de la troupe avec le groupe des bleus, et leur GO Nathanël.
©G. de CROP/Motomagazine
Gascon (ne pas rajouter de « r » sinon il devient susceptible), Gersois d’origine, cet ex coordinateur de l’antenne 32 de la FFMC, passé ensuite bénévole au Bureau National, est devenu depuis peu, salarié de la Fédé.
Vanneur et plein de mauvaise foi, il avait tout pour s’intégrer au mieux dans le staff.
Il emmène sans faire de vagues, son groupe, se réveillant simplement lors des pauses « bar » où il retrouve suffisamment de verve pour « pourrir » consciencieusement ses petits camarades des autres groupes.
Seul défaut notoire, il roule sur une Triumph qui ne tient pas le choc, l’obligeant à la faire voyager dans le camion mécanique, et à emprunter des motos de courtoisie pour tailler la route. L’année prochaine, Nath, viens donc avec une vraie moto !
©A. MORTREUIL/Motomagazine
ZE vedettes, From left to right : Philippe , Gigi, Jacques, Catherine, Robert, Régis, Cathy, Béatrice, Alain, Etiennette, Nat, Marie Catherine, Alain, Barbara, Gérard.