Un petit tour avec nous en Albanie?
fredetaldo
Des bouts de route partagés en vidéo:
Croatie:
Saber, c’était d’abord notre hôte à Téhéran. Mais après tout, il y a des gens qui proposent leur canapé à des voyageurs (je ne sais plus le nom en anglais) via Internet et des forums. Raisonnablement, nous aurions pu nous attendre à un service comparable. Mais non. Saber a pris des jours de congés pour nous accueillir. Il a prévu de nous emmener passer quelques jours dans sa petite maison près de la mer Caspienne. C’est à 4 heures de route de la capitale, à travers de beaux paysages de montagnes (une station de ski) et un micro climat qui contraste sévèrement avec la fournaise de Téhéran. La région est particulièrement boisée et il fait doux.
Pour changer de la moto (et offrir un peu de répits à ses fesses ?), Fred a pris place dans la voiture. Je suis à moto car nous ne repasserons pas par Téhéran. Pendant 3 jours, Saber nous a choyé, il a systématiquement cuisiné, mais il a tenu aussi à tout payer, jusqu’à l’essence de la moto ainsi que notre tabac !
Nous avons appris à nous connaître, à blaguer ensemble, à parler de politique, de religion, de modes de vie.
Un soir, il nous dit : si nous n’étions pas gouvernés par des religieux, ce pays serait un paradis ».
Après ces quelques jours, au moment de reprendre la route, l’émotion était palpable lors des dernières accolades. J’aurai pu prendre pour une blague le fait qu’il me propose de l’argent ( !), mais Saber a eu le mot de la fin : il nous a remercié d’être venu le voir !!!
Ils sont trop forts ces Iraniens.
Elles me regardent avec autant d’étonnement et de curiosité que j’en ai pour elles. Le gars de l’office du tourisme à Tabriz nous explique « il y a 2 types de femmes en Iran, les religieuses et les modernes ». Je comprends ce qu’il me dit mais en Iran comme ailleurs, il y a autant de type de femmes que de femmes elles mêmes. Bon c’est vrai que des fantômes noirs par 40°, j’ai pas l’habitude. Celles-là sont assez nombreuses. D’autres sont en noir aussi mais laissent apercevoir leurs mollets (couverts de collants noirs…). D’autres adoptent la couleur, certaines enfin sont bien plus sexy que moi qui me suis péniblement déguisée en ce qui me semblait convenir à une femme en Iran, mais sans vraiment savoir. Leggins, tunique courte et hyper cintrée, foulard négligemment posé sur un chignon, lunettes de soleil sur le crane, yeux charbonneux, rouge à lèvres, tête haute…
Moi, je me bat avec mon foulard. Il glisse sans arrêt. Il fait très chaud et je m’en passerais bien. Mais ma contrainte s’arrête à ce bout de tissus. Comment font-elles ? Comment vivent-elles ? Je les dévisage avec curiosité en essayant de déchiffrer quelques codes. Mon déguisement ne fait pas illusion et elles me dévisagent tout autant. Sur la route à moto, les passagères des voitures qui nous doublent se retournent sur moi systématiquement. Certaines sont bouche-bée, d’autres jubilent visiblement, des pouces se lèvent…
Quelques jours passent, ce truc sur la tête me gave de plus en plus. Il fait trop chaud, j’ai rapidement renoncé à le porter sous mon casque, puis autours de mon cou en roulant. C’est donc une gymnastique pour l’enfiler discrètement à chaque pause lorsque j’ôte le casque. Quelle mascarade !
Trajet pour aller à la montagne. Je fais la route avec Saber en voiture. Le vent s’engouffre dans la voiture, mon foulard ne veut pas rester en place. Je suis obligée de le tenir fermement pour rester décente. La ville s’éloigne, Saber me fait signe que je peux lâcher prise…un petit vent frais me souffle sur la nuque.
Depuis notre expérience de la mégapole Ankara (par une journée pluvieuse et 11°), nous pensions naïvement pouvoir aborder l’immensité de Téhéran avec sérénité…
Fatal Error !
Pourtant les choses semblaient bien parties. Sona, une amie iranienne qui vit à Londres, nous a arrangé une prise en charge dans la périphérie de la capitale iranienne, à Pardis. En approchant de Téhéran, j’aborde un pompiste pour obtenir plus de plus précisions sur le positionnement de cette municipalité. Tout à l’air très simple, et il m’envoie à Fardis. C’est bien, c’est sur ma route, à 20 km de la capitale, tout semble correspondre et nous sommes quasi à l’heure du rencart.
Fatal Error !
Le seul problème c’est que Fardis est en « banlieue » de Téhéran, mais à l’ouest, Pardis (où nous sommes attendus) est à l’est… Aye !
Il nous a fallu une bonne heure pour comprendre la confusion, puis à nouveau une bonne heure pour se faire indiquer la direction, enfin y aller, puis trouver.
Dit comme ça, évidemment ça à l’air bête. Seulement, pour prendre un élément de comparaison, c’est un peu comme si en arrivant à Paris par la porte de d’Auteuil, nous étions attendus à Pantin. Or, en Iran, entre la porte d’Auteuil et celle de Pantin, il y a 120 km… Les embouteillages n’ont rien à envier non-plus à ceux que nous connaissons aux heures de pointes autour de Paris. Mais, cerise sur le gâteau, le thermomètre de bord a, ce jour là indiqué : 51 º !
Fatal, mais alors vraiment fatal error !!!
Notre hôte s’appelle Saber, nous ne nous connaissons pas, il parle très mal anglais, et nous encore bien plus mal le farsi. Nos coup de fils sont donc relayés systématiquement par Sona (à Londres) qui appelle Saber à Téhéran pour lui donner de nos nouvelles… Un rien compliqué, quoi !
Bref, 4 heures plus tard, la rencontre a enfin lieu ! Il fait nuit mais toujours chaud, et nos vêtements sont collés par la transpiration, mais Saber nous accueille par de grandes accolades, comme si nous étions des êtres chers, pas vus depuis longtemps…
Tabriz, la première grande ville, est à environ 300 km.
« Where are you from ? » ; « France ? Paris. Tour Eiffel » puis, le pouce levé accompagné d’un grand sourire en guise d’approbation. Coups de klaxon, appels de phares, signes de la main, les femmes saluent Fred avec un sourire et le pouce levé, ….
A notre première halte sur le bord de la route, à l’ombre de quelques arbres, un camionneur est également en pause. Il fait (très) chaud et Fred va demander un peu d’eau au routier qui s’empresse de lui tendre un verre avec un sourire. Cinq minutes plus tard, celui-ci s’approche de nous en silence et nous tend deux verres de thé avant de s’éloigner.
Plus loin, même situation, un père de famille vient vers nous avec une assiette pleine d’abricots. Et toujours un grand sourire.
Une autre fois, c’est un pompiste qui nous propose deux verre d’eau fraiche, puis nous encourage à le suivre vers son bureau et à prendre place pour nous reposer dans ce local climatisé.
Une seule explication : il y a erreur, on nous prend pour la caravane du Tour de France. Sinon, je ne comprends pas !
Au poste de douane, le dernier turc à vérifier nos passeports (avant d’ouvrir un gigantesque portail surmonté de fils barbelés, mais à commande électrique) nous demande : « mais qu’allez-vous faire en Iran ? C’est mieux ici ! ».
Le pays des mollahs a décidément mauvaise presse partout…
Fred ôte son casque réglementaire et pose son foulard, dorénavant réglementaire, sur la tête. Acheté la veille auprès d’un adorable commerçant kurde (qui nous a bien sûr offert le thé), Fred a donc sa tenue réglementaire : châle pour couvrir ses cheveux, et chemise ample à manche longue (qui doit couvrir les bras et les fesses). Ce n’est bien sûr un scoop pour personne, et donc pour nous non-plus, en Iran les femmes et les hommes n’ont pas les mêmes droits.
Pas hyper détendus, nous passons donc coté iranien et nous présentons au premier uniforme venu, passeports en main. Celui-ci s’adresse à nous avec un grand sourire : « welcome in Iran ».
Des fanions multicolores volent dans le ciel turque : AKP, MHP, etc. Car en ce dimanche 7 Juin, les électeurs turques choisissent leurs députés. Dans les rues des camions-sono vantent les mérites de leur candidat, à grand renfort de décibels, de musique et de slogans. L’ambiance est (très) sonore et un rien festive .
Sisik, notre logeur, nous avoue ne pas voter d’habitude mais cette fois-ci il s’est déplacé car, dit-il, il tient à conserver un Etat laïque.
Celui que nous avons affectueusement surnommé « notre dealer de bière » va un peu plus loin en disant que Erdogan devrait dégager avec un coup de pied. Le pouvoir, l’argent, le favoritisme familial ou encore le copinage avec les religieux l’exaspère.
Le soir des résultats nous sommes en territoire Kurde et dans les rues, les klaxons et les manifestations de joies ne laissent pas de doutes sur les résultats. Le parti Kurde a remporté suffisamment de voix pour gagner une place au parlement. Erdogan, trop sûr de lui, a pris une claque et perd la majorité absolue. Les kurdes ont gagné une existence légale et les enturbannés sont repoussés.
Arrêtés sur le bord d’une route pour tirer le portrait à quelques vaches (oui je sais, les inspirations des artistes sont parfois étranges…), un fourgon vient à passer et marque une pause à notre hauteur. Son conducteur nous interpelle, nous échangeons quelques mots puis il nous invite à passer chez lui (c’est la troisième maison sur la droite).
Une fois l’oeuvre de l’artiste achevée, nous repartons donc vers la troisième maison sur la droite. Notre ami nous y attend avec un café sur sa terrasse. Youssef (ou alors Joseph…) nous parle de son travail de cultivateur (spécialisé en patates) et de son retour récent au pays après des années passées en Australie. Nous sommes en Cappadoce. La région est connue pour sa géologie si particulière et les reliefs étranges qui en découlent. En dehors du tourisme (hôtels, autocars, perches à selfie, loueurs de quads ou de tours en montgolfière) l’activité historique est essentiellement agricole. Or, le sous-sol gruyère a produit également de nombreuses cavités. Youssef les utilise comme frigo naturel pour y entreposer ses stocks de pommes de terres. Il nous fait donc visiter ses « frigos ». Nous passons un long moment avec lui. Il ne regrette pas son retour même s’il reconnaît que parfois la vie urbaine en Australie lui manque un peu…
Spontanément, nous étions un peu surpris par cette invitation (méfiants?). Mais finalement, comme les nombreuse fois ou un pompiste après un plein d’essence nous offre du thé, il s’agissait simplement de gentillesse, sans doute un peu mêlée de curiosité à notre égard.
Nous n’avons pas visité les maisons troglodytes, ni les églises souterraines aux fresques remarquables, nous avons fuit les autocars et essayé d’éviter les groupes de quadeurs, mais avons apprécié Youssef, sa maison et les membres de sa famille que nous y avons croisé.
Avec trois demi mots de turc et quelques sourires nous sommes enchantés par cette bienveillance omniprésente.
La Turquie on aime !