Ce matin j’ai fait mon sac. On ne sait jamais, tout peut basculer très vite avec le passage d’un camion au garage. N’oublions pas que Hassan m’a trouvé deux pistes… Celle de Maxim qui connaît un transitaire et celle de Silyoga, un camion qui doit livrer du ciment et repartir à vide. J’ai mis du temps à comprendre que c’était Sergei, celui des poulets et de la motoneige. Je cherchais partout dans le dictionnaire ce que signifier Silyoga, mais en vain, et pour cause, c’est juste un diminutif. Pour ça, ils sont un peu compliqué les Russes ; chaque prénom a un, voire plusieurs, diminutifs… ça ne va pas accélérer mon apprentissage tout ça.
Je suis allé au garage par des chemins détournés. Je commence à bien connaître les variations d’itinéraire entre les friches industrielles et les anciens quartiers plus ou moins abandonnés. Ce sont de vieux immeubles comme à Omolon, essentiellement, d’après ce que m’a expliqué Hassan, habités par des Tchoutches toujours bourrés. Connaissant maintenant la sérieuse descente de mon bon musulman, je n’ose imaginer l’animation dans les vieux immeubles. Mais Hassan vient du Daghestan et un pur nationaliste de Krasnoïarsk ou de Novossibirsk parlera toujours de ceux d’Asie centrale avec un certain mépris. Alors, heureusement pour mon pote, il y a les Tchoutches . Ainsi va l’humanité et on sait, plus que jamais en ces temps troublés, où tout cela nous mène.
Ce matin, sixième jour à Bilibino, le temps est gris et légèrement neigeux. Ce matin j’ai pété la fermeture éclair de ma super-veste -professionnelle-grand-froid achetée à Magadan il y a trois ans et j’ai perdu les lunettes de soleil achetées il n’y a même pas une journée. Bon, faut pas tergiverser. Tout ça c’est un cygne, comme aurait dit Google translate qui sait toujours trouver le mot juste. Je vais peut-être encore rester au chaud un jour de plus…