Ce livre de photos sur la Nationale 7, mêlant reportage et récit de voyage, a déjà 5 ans mais n’a pas pris une ride. La Nationale 7, l’une des routes historiques de la migration estivale entre le nord de la France, la région parisienne et la Côte d’Azur… Les deux auteurs l’ont parcourue comme des photographes américains auraient fait la Road 66.
En résulte un émouvant road trip en noir et blanc, à la française, avec des portraits tracés au cran d’arrêt et des ambiances surgies de nulle part. Les bas-côtés, les temps morts, l’envers du décor… L’iconographie est servie par un texte poétique.
Le photographe et l’écrivain ont roulé, et se sont arrêtés. Ils n’ont pas seulement immortalisé les ambiances, les stations-services à la dérive, les enseignes de snack. Ils ont trouvé des personnages qui campent là, en bordure de route. Leur voyage est empreint de réalisme et d’une certaine lassitude, une usure du quotidien, qu’on ne s’attend pas à trouver quand on part en voyage.
Un beau livre, qui donne malgré tout envie d’enfourcher sa moto pour parcourir cette douce France que Trénet avait magnifiée en son temps. Avant d’être démystifiée par certains de ses descendants, parmi lesquels Rachid Taha et le groupe Carte de Séjour. Albéric d’Hardivilliers et Matthieu Raffard, les auteurs de cet ouvrage, s’inscrivent à la frontière entre réalisme et poésie.
Beau livre : « Nationale 7, un road trip à la française », par Albéric d’Hardivilliers et Matthieu Raffard ; éditions Transboréal ; 112 pages, 22,4 x 22,4 cm ; 18 euros.
Amusant, ce sketch des humoristes et comédiens Jean Yanne et Daniel Prévost qui, au début des années 70, se moquaient de la lutte contre les excès de vitesse, paravent utilisé par un haut fonctionnaire de police pour masquer son incapacité à résoudre les vrais problèmes de société.
Le sketch met en scène un journaliste (Jean Yanne) qui interviewe un fonctionnaire de police (Daniel Prévost), chargé d’appliquer un hypothétique « Plan de protection de la population ». Quelle mesure contre les agressions nocturnes ? « Nous allons faire respecter la limitation de vitesse à 60 km/h sur le boulevard périphérique », répond le fonctionnaire. Que propose la police pour protéger les retraités ? « Ne pas dépasser les 60 km/h »… Quelle idée pour lutter contre la pédophilie ? La limitation de vitesse… Les affaires ? « On attrapera tous ceux qui dépassent les 60 km/h sur le boulevard périphérique »… La litanie des réponses futiles à de vrais problèmes.
Le dessinateur de BD belge Christian Papazoglakis (Papa, c’est plus simple !) a sorti récemment le tome 2 des aventures de « Harry Octane », chez Glénat. Ce n’est pas une BD moto, même si Papa le tarmo incruste une Harley ou une Triumph dès qu’il le peut. Mais l’univers mécanique suintant l’huile poisseuse et la culture de la série B américaine, époque muscle cars, nous a vraiment attiré. Le dessinateur, et scénariste sur cette série, esquisse ci-après son concept à la Papa…
« Harry Octane », c’est ton personnage. Tu l’as imaginé, et tu le défends auprès de ton éditeur, Glénat. Dans quel univers trempe-t-il ?
Je suis un fan des road movies américains des années 70. Je pense à « Point Limite Zéro », à « Macadam à Deux Voies »… Je collabore avec Glénat sur la série Chapman, qui marche très bien. On m’a proposé de présenter un projet de bande dessinée autour de l’automobile. Il n’y a pas des milliards de ficelles, ce qui plait c’est souvent l’histoire d’un pilote, mais je ne voulais pas créer un sous-Michel Vaillant. Je précise que j’ai travaillé pour les Studios Graton (créés par les auteurs de Michel Vaillant). Donc, je ne voulais pas d’un héros pilote de course aristocrate. « Harry Octane » est chauffeur pour les gangsters, il roule à fond sur route ouverte, en voyou. Presque comme s’il était à moto.
La série « Harry Octane » est remplie de mécanique, avec des muscle cars parfaitement dessinées. Ta culture est là ?
L’histoire est déterminée par les voitures. Je suis effectivement fan des muscles cars. Après 1973, il n’y a pas eu grand chose d’intéressant dans la production automobile… Ce fut un moment de folie pure pendant lequel les marques sortaient des caisses invraisemblables avec des moteurs invraisemblables, et puis ça s’est arrêté. Le côté voyou de ces caisses me plait bien. Et comme l’éditeur m’a laissé carte blanche… On commençait à travailler sur Chapman, qui est passionnant mais dans des rails, ceux de la BD historique de course automobile. J’ai proposé un concept où je pouvais m’éclater.
Les scènes de poursuite sont particulièrement réussies. C’est incontournable ?
Oui, c’est un peu comme les scènes de course, sauf que les enjeux ne sont pas les mêmes. Le conducteur doit rester devant pour une question de vie ou de mort. La poursuite est un ressort narratif, nous en usons : les lecteurs demandent du drame.
Parviens-tu à vivre de la bande dessinée ?
Oui . Je fais un peu d’illustration, mais on vient me chercher pour ce que je sais le mieux dessiner, la mécanique. J’ai toujours voulu me consacrer à la BD mécanique. Pendant quinze ans, les éditeurs me répondaient que c’était ridicule, qu’il n’y avait pas de marché. C’est amusant, mais maintenant que la voiture est devenu un problème, on aime se souvenir du temps où on n’avait pas honte d’en posséder une. Je suis reconnaissant à Glénat de me laisser travailler librement.
Tu es aussi motard ?
En fait, je n’ai pas de voiture. Je possède une Triumph Tiger 1050, et j’ai roulé sur plusieurs roadsters : Kawasaki ZRX, Zephyr, Honda CBF 1000, et une 900 Eliminator que j’aimais beaucoup.
Tu glisses des motos dans tes BD. Envisages-tu de créer une série ?
J’ai déjà une BD de moto. L’histoire d’un jeune gars qui participe à des courses illégales et révèle des talents de pilote. L’album n’est jamais sorti. La moto comme outil d’émancipation constituait pourtant symbole positif ! Mais chez Glénat, on ne touche pas à la moto : c’est le même éditeur que celui du Joe Bar Team (Vent d’Ouest, ndlr) ! Une fois que le JBT a explosé, tout le monde s’est engouffré dans le créneau et il y a eu des copies de moins bonne qualité qui ont discrédité le filon.
Techniquement, dessiner une voiture, c’est plus facile qu’une moto ?
C’est plus facile. Maintenant on a des outils informatiques qui améliorent le rendu. Google, la 3D… On trouve tous les détails sur le Net. Avant, il fallait avoir accès à la voiture. En revanche, dessiner une moto requiert des connaissances. La fourche tourne avec une géométrie bizarre, ce n’est pas évident.
L’attraction foraine le mur de la mort apparaît dans le tome 2 de « Harry Octane ». C’est venu comment ?
Ca me tournait dans la tête depuis longtemps. Dans cette série, je prends tout ce qui me tourne dans la tête et j’assemble…
Quand on lit cette BD, on imagine l’ambiance rock’n’roll. Il pourrait y avoir une bande originale ?
J’ai monté un trailer en vidéo (ci-dessous), sur lequel j’ai intégré le rock d’un groupe alternatif belge des années 90, La Muerte. Le chanteur, Marco Laguna, réalise maintenant des films déjantés avec beaucoup de mécanique. Pour moi, le rock va avec la moto.
Et tu as des projets, là tout bientôt ?
Un tome 3 de « Harry Octane », dans lequel je glisserai des bécanes. La moto constitue un outil de narration idéal. Une moto raconte son propriétaire, elle contribue à décrire un personnage. En BD on travaille beaucoup les stéréotypes. Un personnage qui débarque en Harley, on n’a pas besoin de le raconter, en une case on l’a introduit.
Une sombre histoire d’icône mystique, des caisses à V8 au nom évocateur (Plymouth, Chevrolet), un mur de la mort, une moto Vincent… Le décorum mis en place par Papazoglakis dans Harry Octane fait dans la série B américaine revendiquée. On pense à « Point Limite Zéro », film culte, à « Shérif fais-moi peur » à l’autre extrémité du compteur… En BD, les scènes de poursuite sont particulièrement soignées, et l’univers mécanique suranné comme il faut. Suriné, plutôt… On roule à l’Octane, c’est du super !
Nicolas Grumel
BD : « Harry Octane, tome 2 Virage Mystique », par Christian Papazoglakis, éditions Glénat ; 48 pages, 24 x 32 cm, 13,90 euros.
De la musique qui va bien avec la lecture de « Harry Octane » :