La moto dans le cinéma, un vaste sujet que l’émission « Blow Up », diffusée chaque semaine sur Arte, a réussi à contenir dans une vidéo de 15 minutes. À ne pas manquer !
Chaque semaine sur Arte, l’émission « Blow up » traite à sa manière une thématique autour du 7e art. Et le 21 avril 2015, le journaliste Luc Lagier s’est intéressé à la moto dans l’histoire du cinéma. Une antisèche très bien documentée, qui nous permet de se rappeler tous les rôles tenus par notre chère amie la bécane.
Dans un style rythmé et hyper référencé, cette émission tente de faire le tour de toutes les motos qui ont fait leur apparition dans les longs métrages. Qu’elles servent à montrer la virilité de l’homme, ou la sensualité de la femme, la moto a toujours été présente dans l’esprit des réalisateurs.
Les machines, des plus classiques aux plus psychédéliques, ne font parfois qu’une apparition anecdotique, mais elles peuvent aider à l’identification d’un personnage ou sont elles-mêmes le personnage principal.
Dans ce trop plein de référence, nous retiendrons bien sûr Easy Rider avec Peter Fonda et Dennis Hopper, ou encore Terminator avec la Harley-Davidson d’Arnold Schwarzenegger, Mad Max avec Mel Gisbon ou Mammuth avec Gérard Depardieu.
Mais la scène la plus inattendue est sans doute celle où le comique star du muet, Buster Keaton, tombé sur le guidon d’une moto en marche, tente de la guider et d’échapper à plusieurs carambolages. On a également apprécié cette piqûre de rappel sur l’apparition d’une bande de motards dans Roma de Fellini, que l’on suit dans la capitale transalpine, prétexte permettant au réalisateur de rendre hommage à la beauté de cette ville.
Difficile de reprendre toutes les références et tous les chef d’œuvres cités dans ce « Blow up ». Le mieux, c’est de le regarder et, bien sûr, de le faire tourner à vos amis avides de moto-culture !
Les Anges Sauvages, Burt Munro, La Motocyclette, Carnets de Voyage, Mad Max… Pour acquérir en DVD certains des films cités dans l’émission, rendez-vous dans la Boutique Motomag.com
« Bivouac », fiction réalisée par Pierre Vinour, a été tournée durant la concentration moto hivernale sur le plateau de Millevaches dans le Limousin. Pour finaliser ce court-métrage, l’équipe passe par un financement participatif, et a donc besoin des motards.
Perdue au milieu des 3.000 participants à la concentration hivernale des Millevaches, une femme surgie de nulle part cherche son ami Mathieu et sa Triumph. Alors qu’elle se laisse prendre au jeu des rencontres, les motards se rendent compte qu’ils ne peuvent plus sortir du bivouac, retenus par une force mystérieuse…
Voilà le pitch du court-métrage tourné lors de l’édition 2014 de la concentration hivernale des Millevaches. Pour terminer la production du film, Pierre Vinour, le réalisateur, a besoin d’investissement. Il passe donc par Touscoprod, un site de financement participatif.
Le film est donc totalement improvisé et le résultat drôle, émouvant et superbe. Les images et le son sont remarquables. Reste, pour finaliser le projet qui doit aboutir à un film court en DVD, à financer la post-production.
Une somme bien modeste, que la boîte de production Les Enragés, à qui l’ont doit le superbe documentaire « Les 1000 vaCChes », compte obtenir par des contributions participatives, comme le fut le tournage.
Nous appuyons bien évidemment la démarche de cette équipe de passionnés et d’artistes. Pour cela, rendez-vous sur le site internet Touscoprod. Il vous reste quelques jours seulement pour devenir co-producteur de cette belle œuvre !
Des Chinois sont retrouvés assassinés dans une usine proche d’Oulan-Bator, chez les Mongols. Qui est la fillette découverte enterrée avec son tricycle dans la steppe ? Y a-t-il un lien entre les deux affaires ? D’où viennent les mystérieux quadeurs ? Qu’est devenu le van bleu aperçu quelques années plus tôt ? Autant de questions auxquelles devra répondre au fil de l’histoire le commissaire Yeruldelgger dans ce polar sombre…
Policiers corrompus et nazillons locaux aussi bêtes que méchants ne lui rendront pas la tâche aisée. Des moines et un enfant de la rue lui seront d’une aide précieuse.
Grâce à une intrigue bien construite, un contexte dépaysant, celui de la Mongolie de l’ère post-soviétique, ce polar mongol nous a séduit.
Ian Manook fut journaliste, éditeur et publicitaire. Il est désormais romancier. Ce polar est son premier roman, et il a déjà été primé à plusieurs reprises, recevant le prix des lectrices de Elle, le prix SNCF du polar, le prix Quais du Polar / 20 minutes…
Paru dans son édition originale fin 2013 avant de passer en collection de poche, « Yeruldelgger » a connu un succès international. Il aurait été dommage qu’il n’y ait pas de suite…
Le second tome des aventures du commissaire Yeruldelgger vient de paraître chez Albin Michel, il a pour titre « Les temps sauvages ». L’action se déroule cette fois dans les steppes enneigées d’Asie centrale… On a hâte de le lire !
Bernard Lavandier Correspondant 42
« Yeruldelgger » de Ian Manook, éditions Livre de Poche ; 648 ppages, 8,30 €.
Le film « Le Grand Homme » vient de sortir en DVD. Au moment de son arrivée dans les salles de cinéma, en 2014, cette fiction nous avait intrigué. L’affiche met en effet en scène deux personnages sur une moto, une Triumph Bonneville, le conducteur étant campé par l’acteur Jérémie Renier. Du coup, on y était allé, et on avait aimé. Pour lire ce qu’on en avait pensé, cliquer ici.
Une petite synthèse pour les plus pressés…
Alors, le grand homme est-il le motard, comme semble le souligner l’affiche du film ? Au départ, ils sont trois : deux légionnaires de retour d’Afghanistan, à la vie à la mort ; et un enfant, celui du légionnaire d’origine tchétchène. Son compère soldat, Hamilton, possède, lui, une Triumph. Qui contribue à dessiner son caractère viril et sportif. On assiste à leur retour à la vie civile qui, déjà difficile, tourne au drame. Et, se révèle le grand homme…
Cette jeune réalisatrice signe un film étrange, qui n’entre dans aucune catégorie, ni vraiment film d’action ni de suspens. Le récit s’appuie sur la pâte humaine, les personnalités et leur réaction face au destin. L’image est belle, la réalisation rigoureuse, le propos sur la filiation et l’amitié, très intéressant. La moto ne fait pas le grand homme mais elle gagne à être l’un des attributs de celui-ci.
DVD : film « Le Grand Homme », réalisé par Sarah Leonor avec Jérémie Renier, Surho Sugaipov et Ramzan Idiev ; édité par BAC Films ; 1h47, 19,99 €.
Voici le DVD d’un documentaire pour motard « hivernophile », mais aussi pour motard curieux de connaître un univers de purs et durs, mais aussi pour toute personne curieuse de mieux connaître le milieu motard, et surtout à regarder bien installé au coin du poêle !
Ce reportage a pour thème la mythique concentration hivernale Les Millevaches. D’un format original (36 minutes), il est constitué d’une immersion au milieu des motards, de l’arrivée sous la neige aux longues conversations philosophiques autour d’un feu de bois, après montage des tentes et échanges autour des accessoires indispensables sur la moto pour rouler l’hiver. Accidents, pannes mécaniques, digression sur l’anarchisme, tous ces sujets sont évoqués par des tronches de motards comme on aime en voir.
L’ensemble est filmé et monté avec un parti pris absolu : il n’y a pas de voix-off, pas de contextualisation ni même une quelconque référence à l’actualité, seules les paroles captées ici et là, le bruit des moteurs, le crépitement du feu meublent la bande-son, comme pour laisser la place à l’ambiance lunaire de cette fête de barbus, mais aussi, surprise, de jeunes et de quelques femmes.
C’est ce qui fait la force de la réalisation de Fabrice Marquat : il s’efface au profit de son sujet, de ses sujets, ces motards héroïques qui bravent neige et froid pour se retrouver là, au milieu de nulle part, à dormir sous la tente quand la température avoisine le zéro voir moins, et à n’avoir plus comme occupation que de couper du bois pour le feu, se couper la soif et parler jusqu’à plus soif, bref de se réchauffer comme ils peuvent.
Les images du paysage enneigé, le somptueux plateau de Millevaches filmé à hauteur d’homme ou bien vu du ciel grâce à un drone que personne n’a empêché de voler à cet endroit-là, car cet endroit-là n’intéresse personne, si ce n’est cette poignée d’irréductibles motards hermétiques à un quelconque envahisseur, ces images nous ont fait voyager.
On y découvre aussi un nombre impressionnant de machines des années 70 à nos jours, petites Mob’ comme grosses cylindrées de toutes origines, mais aussi pas mal de side-cars et autres trikes, toujours plus à l’aise sur les routes enneigées.
Fabrice Marquat, 44 ans, s’inscrit dans la tradition des réalisateurs voyageurs. Il a effectué un tour du monde ponctué de reportages sur l’univers de la rue, mais aussi contribué à l’organisation du festival de court-métrage Fenêtre sur courts. Dans le cadre d’un périple de six mois en Patagonie, il a réalisé « Yamana, retour en Patagonie ».
« Lors des repérages, pendant l’édition 2012 des Millevaches, j’ai reconnu le genre de motards et de personnages qui participent à ce type de concentration pour les avoir rencontrés lors de mes périples à moto », écrit Fabrice Marquat. « Ils érigent le deux ou trois-roues en art de vivre, indispensable à leur équilibre. En venant sur le plateau de Millevaches en décembre, dans le froid et les intempéries, ils s’octroient une petite tranche d’aventure, une parenthèse de liberté qui se mérite, dans une vie qu’ils trouvent parfois sans relief ».
DVD : Documentaire « Les 1000 VaCChes », réalisé par Fabrice Marquat, produit par Les Enragés ; 36 mn, 12 € ; le DVD est en vente dans la Boutique Motomag.com.
Le documentaire sur la moto « On Any Sunday, The Next Chapter » sera diffusé dans les salles de cinéma françaises le 27 mars uniquement. Nous avons eu la chance de le voir en avant-première. Voici notre critique.
Le dimanche pour certains, c’est le jour du Seigneur et pour d’autres, c’est le jour de la moto. Ainsi pourrait-on résumer le concept véhiculé par le documentaire « On Any Sunday, The Next Chapter ». Le réalisateur Dana Brown a pris la relève de son père qui, en 1971 avec l’aide d’un certain Steve McQueen, avait réalisé « On Any Sunday ».
Comme le premier volet, le second, tourné en 2013 et 2014, raconte la passion que partagent pilotes professionnels et amateurs, ce véritable frisson de liberté que tous les amoureux de la moto ressentent dès lors qu’ils enfourchent leur bécane.
Se succèdent donc, devant la caméra, des figures contemporaines de différentes disciplines du sport moto : Robbie Maddison le cascadeur fou, qui effectue un saut de 60 mètres du haut d’un tremplin de ski ;
Travis Pastrana qui a mis en scène l’acrobatie moto à travers un show mondial, le Nitro Circus, et son relai sur les réseaux sociaux ; les stars espagnoles du MotoGP, Marc Marquez et Dani Pedrosa ; des pilotes américains un peu moins connus de ce côté-ci de l’Atlantique, tels Carlin Dunne qui a placé au plus haut, à Pikes Peak, une moto électrique, la Lightning ; la double médaillée d’or aux X-Games, Ashley Fiolek, sourde de naissance et néanmoins pilote de motocross,
ou Doug Henry, ex-pilote pro devenu paraplégique, qui continue à faire du cross au guidon d’une moto adaptée à son handicap.
Bref, une bonne vingtaine de dingues ayant plus ou moins fait leur trou dans cet univers impitoyable. Mais, plutôt plus que moins, et pour cause : la plupart sont sous contrat avec Red Bull, la marque de boisson énergisante, omniprésente dans le sponsoring sportif, qui est à l’origine de ce documentaire.
« J’aime la moto avant tout ; à la base, je trouvais le film de mon père mythique, et je n’avais pas vraiment l’intention de réaliser une suite », a expliqué Dana Brown, lors de la projection du chapitre 2 à Paris, le 19 mars. « Mais Red Bull est venu me voir pour me demander de le faire, et j’ai accepté. » Voilà qui pose le contexte du documentaire : il traite de la passion pour la moto, c’est indéniable, mais il s’agit également d’un film de promotion sponsorisé par une marque.
La ressemblance avec le film originel, « On Any Sunday » sorti en 1971, s’arrête donc à cette idée de succession de scènes sur différentes disciplines pratiquées aux États-Unis. Autant le film du père, Bruce Brown, s’affichait artisanal, bricolé, et néanmoins riche d’images spectaculaires, montrant des disciplines alors méconnues (baja, dirt-track…) avec une dimension marginale mise en avant. Les amateurs passionnés consacraient leur temps et leurs moyens à la pratique de ce qu’ils érigeaient comme au-dessus de tout dans leur vie.
Autant celui du fils, Dana, transpire le professionnalisme et, surtout, véhicule une image policée de cet univers : tout est beau et parfait dans le monde des professionnels du sport moto, les enfants sont admiratifs de leur papa qui sort exploit sur exploit, ils veulent faire pareil, les Africains sont sauvés de la mort grâce aux motos des bénévoles américains de Riders for Health, et même les handicapés sourient tous les jours parce qu’ils savent que le dimanche, ils vont enfourcher leur machine…
Cet optimisme béat a de quoi surprendre et irriter. Il correspond sans doute à la culture américaine, celle du rien n’est impossible, du Do it… On s’accordera quand même le droit de douter de l’impact d’une action humanitaire américaine sur l’expansion d’une maladie grave à travers le continent africain ; de remettre en cause les valeurs de la famille véhiculées par ce film ; est-ce bien raisonnable de mettre un gamin de 4 ans sur une moto et de le lancer dans la compétition ?
La pression écologiste est dénoncée, certes, mais sans argument autre que celui-ci : « On va m’empêcher de rouler avec mes potes et ma famille. » Pas très mature… En revanche, il présente la moto électrique comme une réelle alternative dans la compétition sur deux-roues. Preuve que les Américains, quand un péril guette, plutôt que de se braquer, se montrent pragmatiques.
Plus trivial : le premier chapitre avait, quelques années après sa sortie, construit son succès sur la présence de l’icône Steve McQueen (qui s’était impliqué dans la production) ; le second ne devra pas le sien à la présence d’un Mickey Rourke atomisé qui se fait faire son petit custom chez Roland Sands. Le beau gosse de « Neuf semaines et demi » n’est plus que l’ombre de lui-même. Mais il conserve intacte la passion pour l’objet moto.
Voilà bien résumé le paradoxe que reflète « On Any Sunday, The Next Chapter » : on est prêt à moult sacrifices pour s’adonner à cet engin maléfique ! Et, si le motard n’adhèrera pas forcément à la dimension politique de ce documentaire, il passera un bon moment en le regardant, ne s’ennuiera pas, s’amusera et sourira parfois, et se surprendra sûrement à s’identifier à ces motards de l’extrême.
Car c’est terriblement bien monté ! Côté réalisation, rien à dire : en dehors d’une voix-off française affligeante (mieux vaut l’américain sous-titré !), les images sont spectaculaires, les paysages somptueux, le tout étant filmé avec les moyens qui vont bien : caméras embarquées, hélicoptères, drones…
Le montage tient le spectateur en haleine. Le public des non connaisseurs appréciera cette dimension spectaculaire, semblant accessible, des prouesses réalisées par « ces gens comme les autres », tandis que n’importe quel motard sortira de la projection ragaillardi, car fier d’appartenir à cette communauté extraordinaire qui s’adonne, tous les dimanches, à l’équilibre sur deux-roues. Un bel exercice d’équilibrisme, en somme, qu’a réalisé Dana Brown.
En attendant la projection, voici le teaser :
« On any sunday, the next chapter », réalisé par Dana Brown, avec Robbie Maddison, Travis Pastrana… ; produit par Red Bull Media House ; filmé en 4K Ultra HD ; 90 mn ; édité en France par Marco Polo Production ; disponible en DVD, Blu-ray et VOD à partir du 6 mai 2015 ; prix public conseillé : DVD 19,99 € ; BRD 24,99 €.
« Warm Up », le retour ! Renaud Garreta sort enfin le second tome de cette série BD, prévue pour compter dix volumes. Et nous, on est content, tant le style de cet auteur, qui fait tout tout seul, du scénario au dessin, nous affole. Même si, dans cet album (comme dans le premier d’ailleurs), les héros ont un pied dans la tombe…
L’histoire du tome 1 de la série Warm Up,« D. O. A. », se prolonge dans ce 2e opus. Dans « À tombeau ouvert », la famille Neves sombre… L’aîné, Nathan, est en état de mort cérébrale après sa chute au GP de Macao. Chad, le cadet, découvre les sacrifices qu’a faits son frère pour le libérer de l’emprise d’un gang mafieux. Chad, petit prodige au guidon, va-t-il emprunter la voie de la raison ou continuera-t-il à frayer aux frontières de la criminalité ?
L’auteur continue de nous happer grâce à un récit débridé et à un dessin hyper réaliste. Les duels à moto sur le bitume sont dantesques, l’ambiance des paddocks proche de la réalité, et que dire de la course-poursuite à Marseille… On se croirait dans un « Taxi » sombre et violent, c’est exceptionnel.
Seul inconvénient, ce découpage d’une longue trame en plusieurs albums : difficile de se remémorer les détails d’un premier tome avalé voici plusieurs mois… Mais ça revient vite, et cette BD d’action se dévore à toute blinde.
L’auteur, Renaud Garreta est né à Brest en 1964. Après avoir travaillé comme illustrateur, roughman et story-boarder pour la publicité et le cinéma, notamment sur « Immortel » d’Enki Bilal et « Renaissance » de Christian Volkman, il crée le thriller aéronautique « Fox One », puis lance, en 2001, la série à succès « Insiders ». Plus de 500 000 albums des dix premiers tomes sont vendus. Toujours chez Dargaud, suivent une aventure de Tanguy et Laverdure et « Seul autour du monde », une histoire du Vendée Globe.
Depuis octobre 2013, Renaud Garreta réalise un projet qui mûrit depuis 15 ans, « Warm Up », l’union de ses passions : la bande dessinée et la moto. Il signe ainsi sa première série en auteur complet et indépendant : il a créé pour l’occasion sa propre maison d’édition, Dust éditions.
Caroline-Christa Bernard et Atissou Loko ont composé la chanson « Circuit Carole », disponible sur le EP 5 titres « Le Fracas ». Une mélodie rythmée servie par des percussions endiablées, des paroles d’une poésie simple, essentielle, si rare… qui évoquent la perte de trajectoire. Un rien d’ironie se glisse dans la voix fragile et sexy de Caroline. Mais l’issue est tragique.
« Eh gamine,
méfie-toi des idoles »
« Cette chanson évoque l’univers de la moto mêlé à l’adolescence, aux goûts du risque et de la vitesse, explique Caroline-Christa. La jeunesse se perd parfois sur les circuits moto, entre les premiers baisers et les dangers de ce sport extrême. La chanson se termine par un hommage à Carole Le Fol, disparue trop jeune lors d’un run sauvage à Rungis… » C’était en 1979, et ce fait divers fut à l’origine de la création du circuit Carole, ouvert aux motards.
A travers ce titre, Caroline-Christa souhaite également faire un clin d’œil à Serge Gainsbourg : « un grand maître de la chanson, qui avait lui-même magistralement décrit la beauté et la sensualité d’une moto Harley-Davidson ».
Cette auteure et interprète a su s’entourer : « Le Fracas » a été réalisé par Vincent-Marie Bouvot, qui a notamment collaboré avec Zazie, Lizzy Mercier Descloux et Chet Baker.
Caroline-Christa Bernard affiche un parcours pluridisciplinaire dont elle s’est inspirée pour l’écriture du texte de « Circuit Carole ». Les rencontres sont venues nourrir ses chansons, comme des aventures urbaines : les souvenirs du Club des Poètes dirigé par la sœur de Georges Moustaki, lui-même motard devant l’éternel.
Cyril « Atissou Loko » Forman, le compositeur et co-réalisateur de la chanson aux côtés de Vincent-Marie Bouvot, est un percussionniste confirmé. Après une longue formation musicale, il s’est impliqué dans de nombreux projets pour défendre la tradition des tambours d’Haïti, son pays natal. Il a fondé son propre groupe, Adjabel, avec lequel il a sorti six albums.
On peut écouter la chanson « Circuit Carole » sur Youtube
1989, un reportage de 11 minutes 04 créée la sensation au journal télévisé de La 5, la chaîne de Berlusconi. A une époque où on n’imagine même pas que puisse être créée un jour la Gopro, des journalistes installent une caméra derrière la bulle d’une Suzuki GSX-R et filment le tour du périphérique parisien à une vitesse « indécente » : le compteur flirte avec les 260 km/h.
192 de moyenne sur 30 km d’autoroute urbaine avec des entrées et sorties de partout, à l’aube, les 4 voies constellées de camions de livraison (les mêmes que maintenant, tiens c’est marrant !), de fêtards à moitié endormis et de travailleurs encore mal réveillés… Un vrai jeu vidéo.
Images saisissantes, et effet garanti : on se croit à la place du pilote, la moto slalome entre les voitures. Même exécuté au petit jour, durant ce tour du périph’ en 11 minutes, celui qui est au guidon frôle la mort. La ménagère, à table devant sa télé, vomit ses endives au jambon. Son fils, le casque sur le porte-manteau, ne rêve que d’aller imiter le motard en tenue sombre. Et sa fille, qu’il l’emmène loin d’ici. Quant aux porte-parole de la sécurité routière, les Claude Got (et oui, déjà…) et autres Geneviève lèvres pincées, ils sont effarés et demandent l’interdiction de la moto. Sans autre forme de procès.
La légende du Prince Noir est née. D’autant mieux enrubannée que ces malins de journaleux ont pris soin de filmer aussi les copains, dont les visages s’incrustent de temps à autres dans l’image, comme des sourires d’outre-tombe : certains ont disparu, victimes de leur envie de grimper dans les tours tous les jours.
2015. La vidéo de ce reportage, qu’il est par ailleurs possible de visionner sur Youtube, est projetée sur une minuscule tablette, dans le cadre de l’exposition d’art contemporain « Le bord des mondes », au Palais de Tokyo à Paris. Elle est accompagnée d’une notice :
« La moto et le corps de l’homme ne font plus qu’un, transformés en un être hybride et instable à la recherche d’un tutoiement de la limite, alors que la conscience de sa vulnérabilité et la perspective de la mort sont omniprésentes. Cet exploit extrême met en scène et exacerbe une existence « dangereuse » vécue comme une nécessité par toute une communauté : jouer de l’accélération, pratiquer l’hédonisme, contourner la loi, faire du danger une célébration de l’existence, promouvoir un mode de vie qui s’oppose à la convention sociale. Il s’agit ici d’expérimenter la jouissance d’une vitesse qui touche à l’ivresse, mais aussi d’exceller dans la maîtrise d’une situation à la limite de la survie ».
Le Prince Noir circule donc au bord du monde, à la lisière. Légende urbaine magnifiée par la télévision, le motard se reconnaît dans cette pratique aux confins du légal, du réel, du létal. Il est le Prince Noir, seul parmi les visiteurs du Palais de Tokyo, dont la plupart ne connaissent rien à la moto.
Il n’a jamais poussé à 260 sur le périphérique (impossible maintenant avec tous ces radars, 16 autour du périph’, c’est Big Brother maintenant, c’est ça qui a changé depuis 1989, cette société au radar) mais connait les risques : passer entre les voitures, ça oui, il le fait au quotidien, pousser une petite accélération de temps en temps, parfois même claquer une roue arrière pour s’amuser…
Il ne savait pas que c’était de l’art contemporain, la moto, mais ce n’est pas là que se situe l’art, non, plutôt dans la mise en scène de cet extravagant tour du périph’ en 11 minutes, que d’aucuns, chez les motards, considèrent comme une supercherie alors qu’elle a contribué à façonner le personnage qu’ils endossent tous les jours. En chaque motard s’esquisse cette volonté d’être border line, au bord du monde pour mieux le pénétrer, y trouver sa place.
Les médias aiment construire des mythes. Puis les abattre. Voilà. Le Prince Noir n’est qu’une supercherie médiatique, comme aujourd’hui, on en crée des milliers chaque jour, à la vitesse de propagation des réseaux sociaux… Excès de vitesse !
Le reportage de La 5 (comme ça, pas la peine d’aller au Palais de Tokyo !)
Finalement dans l’expo « Le bord des mondes » au Palais de Tokyo (du 18 février au 18 mai à Paris 16e arrondissement), la bécane reste à sa place : confinée dans une salle obscure, représentée par une petite vidéo diffusée sur une petite tablette, là où des artistes disposent d’une salle entière, et où les œuvres son signées de leur nom. Le Prince Noir, au bord des mondes, n’est qu’une vidéo anonyme.
On s’attardera sur d’autres œuvres, comme certaines représentations cartographiques complètement dingues qui font rêver au voyage, ces cartes que l’on déplie sur le bord de la route. On pense aussi à ces photographies de larmes Topography of Tears, réalisées par Rose-Lynn Fisher : étalées sur une lamelle translucide, elles sont regardées à travers un microscope optique, photographiées et qualifiées de « vues aériennes de terrains émotionnels »…
Autre travail ahurissant, la cartographie d’un monde imaginaire dessiné par Jerry Gretzinger. En 1963, il en esquissait le premier élément, un simple dessin sur feuille au format A4. Chaque jour, ce dessin a été augmenté, étendant un monde et la physionomie d’une terre inconnue, qui donnait naissance à des villes telles que Plaeides ou Ukrainia. Une œuvre qui préfigure les reproductions de certains jeux vidéos.
On retient aussi les pierres et parpaings de Bridget Polk, formant un équilibre si stable et pourtant si précaire, un peu comme le motard sur la route ; ou encore, ce peuple des montagnes turques qui utilise le sifflement des oiseaux pour communiquer plus vite, d’une vallée escarpée à l’autre ; un peu comme le peuple motard qui communique par signes d’une moto à l’autre.
Exposition d’art contemporain : « Le bord des mondes », au Palais de Tokyo à Paris, jusqu’au 17 mai 2015. Renseignements sur le site du Palais de Tokyo.
Sylvain Tesson est un voyageur invétéré, que ce soit à pied, à vélo, ou à moto. C’est cette dernière passion qui va le conduire à lancer ce défi : parcourir en side-car Ural la route empruntée par Napoléon en 1812 lors de la retraite de Russie. 4 000 km au départ de Moscou, en plein hiver bien sûr.
Mordue par le froid, cahotée dans la steppe, bravant les camions fous et les pannes, l’équipée, composée de trois Français et deux Russes (Sylvain l’auteur, le géographe Cédric Gras, le photographe Thomas Goisque, ainsi que Vassili et Vitaly) se réchauffe au cœur de vieux hôtels brejnéviens, à coups de vodka.
Au fil des étapes, l’auteur convoque Caulaincourt et Tolstoï pour nous faire revivre l’enfer des troupes françaises et l’héroïque traversée de la Berezina ; mais aussi nous faire comprendre que l’âme russe, mystique, fataliste est réfractaire à la rationalité occidentale.
Un récit rafraîchissant et décapant que nous livre Sylvain Tesson, 42 ans, aventurier de renom. Le fils de Philippe Tesson, journaliste octogénaire au CV bien garni, a essaimé son propre parcours de voyages hors normes : tour du monde à bicyclette à 20 ans, traversée de l’Himalaya à pied, vie en ermite six mois durant sur les rives du lac Baïkal… Tous ou presque ont été suivis d’un livre.
Ce voyage en side-car fut sa dernière épopée avant un drame qui relèverait presque de l’accident domestique : à l’été 2014, alors qu’il grimpait sur la façade d’un chalet à Chamonix, dans les Alpes, ce stégophile avoué (personnage qui aime à escalader les toitures) a chuté de dix mètres, se fracturant le crâne en quatre endroits. Victime d’une paralysie faciale, l’aventurier a mis plusieurs mois à se rétablir. Un repos forcé, propre à lui donner de nouvelles idées pour repartir…
« L’Ural est la seule moto que rien n’arrête, même pas ses freins », constatait l’auteur dans Le Parisien, le 12 février. Pas grave, Sylvain Tesson ne s’en sert jamais…
Récit : « Berezina », par Sylvain Tesson, éditions Guérin, 200 pages, 19,50 euros.En vente dans la Boutique Motomag.com