BD « Harry Octane » : Papa roule des mécaniques


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Le dessinateur de BD belge Christian Papazoglakis (Papa, c’est plus simple !) a sorti récemment le tome 2 des aventures de « Harry Octane », chez Glénat. Ce n’est pas une BD moto, même si Papa le tarmo incruste une Harley ou une Triumph dès qu’il le peut. Mais l’univers mécanique suintant l’huile poisseuse et la culture de la série B américaine, époque muscle cars, nous a vraiment attiré. Le dessinateur, et scénariste sur cette série, esquisse ci-après son concept à la Papa…

« Harry Octane », c’est ton personnage. Tu l’as imaginé, et tu le défends auprès de ton éditeur, Glénat. Dans quel univers trempe-t-il ?

Je suis un fan des road movies américains des années 70. Je pense à « Point Limite Zéro », à « Macadam à Deux Voies »… Je collabore avec Glénat sur la série Chapman, qui marche très bien. On m’a proposé de présenter un projet de bande dessinée autour de l’automobile. Il n’y a pas des milliards de ficelles, ce qui plait c’est souvent l’histoire d’un pilote, mais je ne voulais pas créer un sous-Michel Vaillant. Je précise que j’ai travaillé pour les Studios Graton (créés par les auteurs de Michel Vaillant). Donc, je ne voulais pas d’un héros pilote de course aristocrate. « Harry Octane » est chauffeur pour les gangsters, il roule à fond sur route ouverte, en voyou. Presque comme s’il était à moto.

La série « Harry Octane » est remplie de mécanique, avec des muscle cars parfaitement dessinées. Ta culture est là ?

L’histoire est déterminée par les voitures. Je suis effectivement fan des muscles cars. Après 1973, il n’y a pas eu grand chose d’intéressant dans la production automobile… Ce fut un moment de folie pure pendant lequel les marques sortaient des caisses invraisemblables avec des moteurs invraisemblables, et puis ça s’est arrêté. Le côté voyou de ces caisses me plait bien. Et comme l’éditeur m’a laissé carte blanche… On commençait à travailler sur Chapman, qui est passionnant mais dans des rails, ceux de la BD historique de course automobile. J’ai proposé un concept où je pouvais m’éclater.

Les scènes de poursuite sont particulièrement réussies. C’est incontournable ?

Oui, c’est un peu comme les scènes de course, sauf que les enjeux ne sont pas les mêmes. Le conducteur doit rester devant pour une question de vie ou de mort. La poursuite est un ressort narratif, nous en usons : les lecteurs demandent du drame.

Parviens-tu à vivre de la bande dessinée ?

Oui . Je fais un peu d’illustration, mais on vient me chercher pour ce que je sais le mieux dessiner, la mécanique. J’ai toujours voulu me consacrer à la BD mécanique. Pendant quinze ans, les éditeurs me répondaient que c’était ridicule, qu’il n’y avait pas de marché. C’est amusant, mais maintenant que la voiture est devenu un problème, on aime se souvenir du temps où on n’avait pas honte d’en posséder une. Je suis reconnaissant à Glénat de me laisser travailler librement.

Tu es aussi motard ?

En fait, je n’ai pas de voiture. Je possède une Triumph Tiger 1050, et j’ai roulé sur plusieurs roadsters : Kawasaki ZRX, Zephyr, Honda CBF 1000, et une 900 Eliminator que j’aimais beaucoup.

Tu glisses des motos dans tes BD. Envisages-tu de créer une série ?

J’ai déjà une BD de moto. L’histoire d’un jeune gars qui participe à des courses illégales et révèle des talents de pilote. L’album n’est jamais sorti. La moto comme outil d’émancipation constituait pourtant symbole positif ! Mais chez Glénat, on ne touche pas à la moto : c’est le même éditeur que celui du Joe Bar Team (Vent d’Ouest, ndlr) ! Une fois que le JBT a explosé, tout le monde s’est engouffré dans le créneau et il y a eu des copies de moins bonne qualité qui ont discrédité le filon.

Techniquement, dessiner une voiture, c’est plus facile qu’une moto ?

C’est plus facile. Maintenant on a des outils informatiques qui améliorent le rendu. Google, la 3D… On trouve tous les détails sur le Net. Avant, il fallait avoir accès à la voiture. En revanche, dessiner une moto requiert des connaissances. La  fourche tourne avec une géométrie bizarre, ce n’est pas évident.

L’attraction foraine le mur de la mort apparaît dans le tome 2 de « Harry Octane ». C’est venu comment ?

Ca me tournait dans la tête depuis longtemps. Dans cette série, je prends tout ce qui me tourne dans la tête et j’assemble…

Quand on lit cette BD, on imagine l’ambiance rock’n’roll. Il pourrait y avoir une bande originale ?

J’ai monté un trailer en vidéo (ci-dessous), sur lequel j’ai intégré le rock d’un groupe alternatif belge des années 90, La Muerte. Le chanteur, Marco Laguna, réalise maintenant des films déjantés avec beaucoup de mécanique. Pour moi, le rock va avec la moto.

Et tu as des projets, là tout bientôt ?

Un tome 3 de « Harry Octane », dans lequel je glisserai des bécanes. La moto constitue un outil de narration idéal. Une moto raconte son propriétaire, elle contribue à décrire un personnage. En BD on travaille beaucoup les stéréotypes. Un personnage qui débarque en Harley, on n’a pas besoin de le raconter, en une case on l’a introduit.

La critique de Harry Octane dans Moto Magazine n°298 (juin 2013) :

Harry fais moi peur

Une sombre histoire d’icône mystique, des caisses à V8 au nom évocateur (Plymouth, Chevrolet), un mur de la mort, une moto Vincent… Le décorum mis en place par Papazoglakis dans Harry Octane fait dans la série B américaine revendiquée. On pense à « Point Limite Zéro », film culte, à « Shérif fais-moi peur » à l’autre extrémité du compteur… En BD, les scènes de poursuite sont particulièrement soignées, et l’univers mécanique suranné comme il faut. Suriné, plutôt… On roule à l’Octane, c’est du super !

Nicolas Grumel

BD : « Harry Octane, tome 2 Virage Mystique », par Christian Papazoglakis, éditions Glénat ; 48 pages, 24 x 32 cm, 13,90 euros.

De la musique qui va bien avec la lecture de « Harry Octane » :

. La Muerte : http://www.lamuerte.be/necrology.htm ; leur page Youtube : http://www.youtube.com/user/LaMuerteBelgium

http://www.myspace.com/officialdeadbolt

http://www.myspace.com/messerchups (il faut voir leurs vidéos !)

. Le célèbre groupe Calexico : http://youtu.be/lRAsyWnW8dY

http://www.nashvillepussy.com/

http://website.peterpanspeedrock.nl/

BD – CD moto : « La Fille » de Christophe Blain, bien mais…


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Voilà un objet littéraire et néanmoins dessiné (et même interprété) comme on les aime, à priori. Une motarde libre, parcourant l’Ouest lointain et sauvage, tombe sur un cow-boy à l’ancienne. Ils vivent une aventure torride à en crever…

Cette BD est un hommage appuyé de Christophe Blain, auteur de BD à la mode (« Isaac le Pirate », « Quai d’Orsay »), à Guy Pellaert, illustrateur des sixties/seventies que d’aucuns classeraient non loin du pop-art. Le Belge Pellaert a créé, à la fin des années 60, une héroïne motocycliste, Pravda la Survireuse, icône sexy qui ressemble à s’y méprendre à La Fille de Blain. Pour vous en convaincre, jetez-donc un oeil à cette vidéo sur le travail de Pellaert :

Avec « La Fille », Christophe Blain transpose donc en BD ses souvenirs d’enfance, ses fantasmes d’adolescent qui s’est crevé les yeux sur Pravda. C’est osé, car l’exercice qui consiste à mêler fantasmes et nostalgie peut s’avérer casse-bonbon. Blain s’en sort plutôt bien, même si le récit manque un peu de corps (si l’on peut dire…), notamment dans sa seconde partie.

Mais ce qui déçoit, c’est le CD livré avec la BD. Certes, Barbara Carlotti est une rockeuse à la voix unique. Mais, si l’on a droit à quelques chansons originales qui fonctionnent comme la BO de la BD, ce qui, pour le coup, est intéressant, la chanteuse aurait pu s’abstenir de lire, en plus, le texte de la BD. C’est long et cela n’apporte pas grand chose.

En résumé, on apprécie le dessin, magnifique. Tragique, comique, épuré, élancé… La moto est magnifiée.

Le CD, l’air de rien, déçoit un brin. Mais l’ensemble est suffisamment original pour figurer dans la bibliothèque du motard.

BD & CD : « La Fille », par Christophe Blain et Barbara Carlotti, édition Gallimard ; 80 pages, 24 x 30 cm + 1 CD ; 29,90 euros.

A lire, JyaJya, des mangas nippons et des motos


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Au Japon, les adultes fous de tricot, de pêche à la mouche ou même d’origami ont une série manga correspondant à leur activité. Les motards ne sont pas épargnés, et pour les passionnés de motos anciennes, il y a « JyaJya ». Cette série de 15 volumes décrit l’histoire d’un bouclard de moto italienne et de son équipe passionnée de course et de gymkhana…

Dessinés par un connaisseur dénommé Akira Eno, ces épisodes regorgent de modèles historiques esquissés avec un soin et une justesse rare ! On y trouve aussi quelques motos modernes. Un régal visuel qui nous donnerait presque envie d’apprendre le Japonais, puisque la série n’est pour le jour pas traduite ni importée par la branche française de l’éditeur, et donc introuvable même sur le Net… Mais que fait la FFMC ?

Mangas : « Italian Classic Bike and Jya-Jya » par Akira Eno ; éditions Shogakukan ; 15 volumes, Tarif… non communiqué !

BD : « Rider on the storm », polar motard sombre en ligne claire


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Les Belges, quand ils s’y mettent… Les éditions Paquet publient « Rider on the Storm », sombre polar motard dessiné, réalisé par l’auteur de « Continental Circus », Baudouin Deville, avec la collaboration du scénariste Géro.

Voilà une BD moto digne de ce nom, avec un scénario de polar béton et des dessins en ligne claire qui ne massacrent pas notre véhicule favori. Nous plongeons dans des années 70 pluvieuses et bruxelloises. Gaspard, belge de filiation fortunée, souhaite devenir pilote de GP. Mais il doit d’abord se débattre avec les assassins de ses parents, et trempe dans une sombre histoire d’héritage…

Il s’est fait plaisir, le dessinateur et motard Baudouin Deville, qui saupoudre ce récit noir de poursuites sur des motos mythiques. On regrette juste de devoir attendre le tome 2 pour connaître la suite, mais on accorde déjà à cet ouvrage de la collection Carénage notre triple A.

Pour ceux qui voudraient faire plus ample connaissance avec l’artiste Baudouin Deville, il fait l’objet d’une interview en page 15 du n°296 de Moto Magazine (avril 2013).

BD : « Rider on the Storm, tome 1 Bruxelles », par Baudouin Deville et Géro ; éditions Paquet ; 48 pages, 23,5 x 31,5 cm ; 13,50 euros.

Couverture de la Bande dessinée Rider on the storm, par Baudouin Deville aux éditions Paquet